Maintenant que j'ai bien tourné autour du pot attaquons le problème de face, si l'on sépare la maladie de la dépendance, 80% de mes soins basculent (toilettes et surveillances de prise médicamenteuse par exemple). Je parlerai donc ici de la toilette puisque c'est le soin le plus "emblématique", alors allons-y franchement:
La toilette est-elle un soin infirmier, pourquoi ne pas la laisser aux aides ménagères?
J'ai pour ma part plusieurs réponses, je vous laisse ensuite faire vous faire votre opinion:
1- Sans toilette mon cabinet ferme.
Oui je sais que je suis dans la situation ultra spécifique du centre d'une grande ville entouré par plusieurs CHU qui pompent tous les soins techniques (ce problème ne se pose pas en campagne, en tous cas différemment)...
Mais le fait est là plus de toilette = clef sous la porte = vous vous démerderez pour vos injections, vos pansements et vos vaccins, vous irez aux urgences ou voir votre médecin.
2- La toilette n'est en fait qu'un prétexte.
La toilette ne peut pas s'isoler dans une prise en charge de la dépendance, quand on passe "pour la toilette" on en profite surtout pour parler avec le patient et évaluer son état psychologique et physique. On ne fait pas une toilette que pour laver mémé mais aussi pour la surveiller et voir comment elle va (les plaies et les bosses sont physiques et psychiques)
Évidemment vous me direz (et on me dit) que pour faire ça une seule visite hebdomadaire suffirait, sauf que se fier uniquement à ce que dit une personne démente et voir son état physique tous les jours ce n'est pas pareil.
Je pourrais donc juste faire une visite infirmière une fois par jour. Soit (après tout laver mémé n'est pas la chose à laquelle je tiens le plus au monde...). Mais non seulement je pense y perdre en précision mais en plus je ne vois pas l'économie (or c'est très précisément le but de la manœuvre) payer une aide ménagère pour faire la toilette + une ide pour vérifier ?
3- Qui pour la faire à notre place?
Et une réponse semble évidente : les aides ménagères ou avs... Sauf que:
-Elles ne sont pas formées pour ça... Évidemment tout le monde peut torcher un vieux... Et dans la même logique tout ceux qui savent écrire peuvent écrire une ordonnance et prescrire ce qui leur passe par la tête, non? Mais peut être que l'intérêt du geste n'est pas dans sa praxie mais dans tout ce qui l'entoure d'évaluation et de réflexion...
- Elles ne passent pas tous les jours... (ou à un prix prohibitif) Nous oui, dommage pour la toilette du dimanche. Dommage aussi pour les petits vieux seuls tous les week-end quand on ne passera plus.
-Elles sont les employées du patient. Nous non et ça change tout... Nous c'est la sécu qui nous paye et nous intervenons à la demande du médecin, notre statut est donc différent et nous pouvons être les mauvais objets quand ça va mal... Un employé qui ne fait pas ce qu'on veut ça se vire, une infirmière c'est plus difficile... Or ne rêvons pas, les prises en charge au long cours passent toujours par des phases de tension...
- Elles n'ont pas les moyens de faire le lien avec le médical... Sans formation quand savoir quand est-ce qu'on appelle le médecin ou pas? Et si il faut des pansements, on fait quoi?
- Je passe aussi sur les médocs, c'est sur que mettre des cachets dans un pilulier et dire "alors mémé on a pris ses medocs ???" tout le monde peut le faire. Faire la différence entre du préviscan, du mopral, de l'arnica et du durogesic, par contre... Quant à vérifier dans la journée l'action de ces médicaments... (tiens l'autre jour, une d'elle a confondu Sectral et Mopral... Rooh c'est ballot non ?)
- Elle sont employées par des associations ou indépendantes mais elles ont intérêt à vendre le maximum de temps à chaque patient. Oups. Et oui ce sont des entreprises commerciales qui offrent un service, pas nous. Etrange comme au moment de placer mémé en maison de retraite parce qu'il le faut, cela fait carrément toute la différence (nous une toilette on en trouve toujours, les bonne places pour les avs sont plus rares)....
- Elles n'ont aucune formation sérieuse pour se positionner face au patient et cela vire souvent parfois au grand n'importe quoi... Or dans la prise en charge de la dépendance le pire ennemi c'est l'égo du soignant... Il est evidemment grisant d'aider quelqu'un à vivre... Sauf qu'il faut toujours, et ce n'est pas facile, garder la tête froide et ne pas s'emballer... Sinon c'est L'acte 4 de la Traviata tous les jours et l'avs qui parle de SON patient comme de son père... Qui hurle et nous chie dans les bottes tous les jours...
4 - Another brick in the wall?
Je vais passer bien sûr pour l'infirmier nanti et feignant qui a peur pour ses privilèges énormes et sa paye plus que confortable qu'il vole à la sécu et aux petits vieux... Alors qu'une armée de femmes courageuses et dignes feront mieux que moi pour moins cher... Oui je sais, j'ai l'habitude... (ne croyez surtout pas chanter un chant révolutionnaire, la même chanson se chante déjà avec les aide soigants à l'hopital)
Sauf que je voudrais juste ajouter:
- Que je suis sur de trouver du boulot, clinique ou hosto je ne m'en fais pas trop pour mon avenir perso même si mon cabinet ferme comme l'état le veut. Par contre quand ça arrivera il sera trop tard pour les familles de dépendants pour réaliser la perte (ah ben zut à la place d'un professionnel formé qui vient pris en charge par la sécu, c'est une fille sortie de nulle part qui se paye sur l'apa et sur nos revenus) et faire marche arrière...
-Que je n'ai rien contre les avs ou aides ménagère, elles ont un boulot précis et important... On se demande même pourquoi elles passent autant de temps à réclamer celui des autres... (leurs taches si elles sont bien faites, devraient les occuper largement...)
- Qu'effectivement une fois formées les avs peuvent faire notre métier. Sauf que prendre des filles à la sortie du bac les former puis les envoyer faire des soins, ça existe et s'appelle déjà ... être infirmière... Cette question de la formation m'hallucine : le diplôme ne s'hérite pas que je sache, il est ouvert à tous ceux qui réclament le privilège énorme de préparer des medocs et faire des toilettes... Je ne comprends même pas la polémique en fait.
-Les problèmes d'égo me fatiguent. Car de quoi est-il question quand on entend dire "que *** pourrait faire les soins à notre place et mieux même?". Juste que la personne en question s'ennuie dans son boulot et rêve du prestige énorme lié aux gestes des autres professions... Mais tout en ayant la flemme de faire la formation bien sur.
-Les problèmes d'ego me hérissent : Car à répéter les mêmes conneries depuis des années, l'État se sert de ça pour démantibuler tranquillement le système de sante... Et à coup de culpabilisation (la secu coute cher) et de flatage d'égo ("vous pouvez faire que les ide et moins cher") il sera trop tard quand le public va se réveiller.