Agent de change méticuleux et pointilleux, marié à Suzanne (Sandrine Kiberlain) et père de deux garçons, Jean-Louis Joubert (Fabrice Luchini) est un bourgeois parisien des années 1960 dont l’existence est réglée comme du papier à musique. Dans cette vie morne et austère, il entend un jour une toute autre mélodie venue du 6ème étage de l’immeuble dans lequel il vit, rythmée par le timbre de voix chantant des femmes de ménage espagnoles. Avec Maria (Natalia Verbeke), fraîchement engagée par sa femme, il découvre un univers à mille lieux de son milieu : des chambres de bonne exigües, sans eau courante ni sanitaires décents. Malgré ces conditions de vie, il est très vite surpris par la joie de vivre de ces femmes et l’atmosphère chaleureuse qui règne à cet étage. À 45 ans, pour la première fois de sa vie, Jean-Louis goûte aux plaisirs des choses simples et trouve, auprès de ces espagnoles, une vraie famille.
Casting exceptionnel pour cette comédie joyeuse qui réunit Luchini et Kiberlain douze ans après Rien sur Robert autour des actrices fétiches de Pedro Almodóvar comme Carmen Maura ou Lola Dueñas, le nouveau long-métrage de Philippe Le Guay est avant tout l’histoire d’une rencontre franco-espagnole entre deux milieux que tout oppose. D’un côté, la bourgeoisie française au lendemain de la fin de la guerre d’Algérie, incarnée par le couple Joubert, avec ses propres règles et ses codes sociaux que Suzanne, fragile provinciale, n’a pas encore complètement assimilé mais que son mari a parfaitement intégré depuis sa plus petite enfance. De l’autre côté, la misère et la pauvreté de ces immigrées espagnoles fuyant la dictature franquiste et venues chercher du travail en France. Tableau de la lutte des classes et du choc des cultures peint et mis en scène par un réalisateur qui connait son métier. À la manière d’un François Ozon (8 Femmes ou récemment Potiche), les décors sont soignés, le style chamarré fidèlement représentatif des goûts et de la mode de l’époque. Le spectateur est plongé dans les années 1960 dès les premières images du film, sans coup férir.
Mais que l’on ne s’y trompe pas, Les femmes du 6ème étage n’est pas une fresque historique et politique ni une fable militante marxiste où les classes sociales se mélangeraient naturellement (des deux côtés, ils rejettent cette utopie) sinon l’histoire d’un homme séduit par la découverte d’une communauté et d’une culture qu’il ne connaissait pas.
À l’origine, une première version du film devait raconter le parcours d’un adolescent délaissé par ses parents trouvant refuge auprès des bonnes de l’immeuble. Finalement, le projet s’est mué en une comédie hilarante, sublimée à l’écran par les personnalités de chaque acteur aussi bien principaux que secondaires. Luchini galvanise le film, les espagnoles l’enflamment et Kiberlain y apporte cette dose de légèreté nécessaire à la réussite du genre. Par leur tendresse et leur grâce naturelle, ces femmes du 6ème étage nous transmettent leur vitalité. Une vraie réjouissance !
Sortie en salles le 16 février 2011