Ahlan wa sahlan fi Surya*

Je m’appelle Florian, j’ai 27 ans. J’ai décidé de réaliser un vieux rêve et de m’ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles en partant en Syrie pour apprendre l’arabe. Récit de mes premiers jours à Damas

Pourquoi Damas ? Pourquoi la Syrie ? Ces questions reviennent fréquemment. Plusieurs raisons : c’est un pays chargé d’histoire, le coût de la vie y est très raisonnable et surtout les gens ne parlent pas ou peu anglais. De ce fait, il n’est au départ pas simple de communiquer, mais cela occasionne de nombreuses situations cocasses, que ce soit dans les magasins ou avec les chauffeurs de taxi. Prendre un service (un des milliers de minibus qui sillonnent la ville) les premiers jours tient du challenge lorsqu’il s’agit de déchiffrer le nom de ma destination sur un véhicule lancé à 50km/h. Après quelques jours on se repère et on déchiffre ces signes qui paraissaient incompréhensibles.

Première étape : trouver un logement. Il est aisé d’obtenir des numéros de téléphone de loueurs de chambres. La vieille ville de Damas fourmille de maisons traditionnelles. Si de l’extérieur toutes les portes se ressemblent, une fois à l’intérieur, on découvre bien souvent de vastes patios autour desquels s’articulent les différentes pièces de la maison. Après quelques visites, je découvre cette immense cour pleine de couleurs que j’adopte immédiatement. Les prix dans la vieille ville sont en constante augmentation, la plupart des chambres se monnaient entre 200 et 250 €/mois, mais il faut négocier un peu, c’est important. Ma maison offre 12 chambres et presque autant de nationalités. À l’exception d’un enseignant syrien, nous sommes tous des étudiants étrangers. Dès le premier soir, c’est la fête. Les rencontres intéressantes s’enchaînent. Si les charmes de la vieille ville ne vous séduisent pas, vous trouverez sans problèmes des chambres ou des appartements dans d’autres quartiers.

Apprendre l’Arabe et faire le bon choix

Deuxième étape : l’inscription à l’université. Ce n’est pas une obligation, mais l’enseignement qui y est dispensé est reconnu. L’institut octroie un certificat après chaque niveau et un diplôme pour les deux derniers (il y en a 8 au total). Chaque niveau correspond à 4 semaines de cours de 9h à 13 h et un examen hebdomadaire. Avant de commencer les cours, il y a quelques formalités à remplir. Outre un formulaire à compléter, il est impératif de se rendre dans un centre de dépistage du HIV. Aussi surprenant que cela puisse paraître, être séronégatif est impératif pour valider l’inscription. À cela s’ajoute un passage à l’ambassade qui vous délivre une lettre vous autorisant à vous rendre à l’université. Les cours sont payants, un peu moins de 300 €/mois. Des bases en arabe ne sont absolument pas nécessaires pour étudier à Damas, mais évidemment, quelques connaissances offrent plus d’aisance. Si vous avez étudié auparavant, vous pouvez passer un test afin d’évaluer votre niveau. Les cours sont très interactifs et l’oral primordial. Cela facilite énormément les rencontres et permet d’être vite entouré de gens venant de tous les horizons.

À mon arrivée, je ne peux pas m’inscrire à l’université, il n’y a plus de places pour les débutants. Rien de grave, j’habite avec un professeur de l’université. Je commence donc le même programme avec lui. Cette première expérience ne s’avère pas couronnée de succès, je ne m’entends pas très bien avec lui et suis plus intéressé par la vie sur place et mes nouveaux colocataires que par l’apprentissage de la langue. Au bout de deux mois, j’arrête l’arabe littéraire et me consacre à l’apprentissage du dialecte syrien. Même s’il existe de grandes similitudes entre les deux, le dialecte est une version très simplifiée de l’arabe. Je suis dans un premier temps satisfait de ce changement. Je peux échanger plus facilement dans les conversations courantes.

Berceau des civilisations

Il est important de prendre son temps et de faire des breaks pour voyager. La Syrie est un pays fantastique d’un point de vue culturel, au croisement de l’Orient et de l’Occident. Les civilisations s’y sont succédées et y ont laissé de somptueuses empreintes. Il y en a pour tous les goûts, et mon amour des châteaux forts est largement satisfait. Il est facile de louer une voiture (compter 15 €/jour pour un petit modèle, un permis international n’est pas requis), pour visiter l’intérieur des terres et certains lieux difficiles d’accès par bus et par taxi. La Jordanie et le Liban sont à quelques heures en taxi pour des prix dérisoires. D’autres destinations comme l’Iran, la Turquie et le Yémen sont aussi aisément accessibles**.

Après avoir pris mon temps pour voyager, j’ai choisi de changer de professeur. J’ai fait la connaissance d’un Irakien qui a dû quitter son pays en 2003. Ingénieur à Bagdad il s’est retrouvé mécanicien à Damas, il gagne moins de 1 €/jour et ne mange pas à sa faim. Il est tributaire de l’aide des Nations Unies. Sa force de caractère et ses connaissances ont fait la différence, il a désormais de nombreux étudiants et ses cours sont passionnants. Tout l’argent qu’il gagne, il le dépense pour apprendre le Français. Il s’accroche à son rêve de partir au Canada ou aux États-Unis et y met toute son énergie même si les chances qu’il obtienne un visa sont quasi inexistantes. Cette abnégation et ce courage sont communicatifs et imposent le respect. Ce genre de rencontres sont un plus indéniable pour l’apprentissage de la langue, mais surtout de la culture.

Un an a passé depuis mon arrivée. J’ai fait des rencontres passionnantes, découvert une langue incroyable, appris sur moi-même en quelques mois plus qu’en plusieurs années en France. Si j’apprécie toujours les retours en Europe, et si je sais que ma vie ici prendra bientôt fin, je ne regrette pas une seule seconde mon choix.

* Bienvenue en Syrie

** prendre connaissance de la situation des pays que vous souhaitez visiter au préalable via le site du Ministère des Affaires étrangères