Notre photographe en poche – façon de parler – Prince et moi avons hâte de passer à la douceur et la sensualité du deuxième mouvement « adagio » : le traiteur. Ô verrines de consommé d’écrevisses ! Ô foie gras de canard maison accompagné de sa compotée de figues de Solliès ! Ô ronde des desserts réservant une place d’honneur à une gigantesque fontaine de chocolat ! Mon imagination d’habitude si indolente s’emballe, et je salive déjà à l’idée de tous les délicieux cocktails, entrées, plats, fromages et desserts (oui oui, tout ça, j’ai un solide appétit) que Prince et moi allons goûter aux frais de la princesse, alias les traiteurs qui se bousculeront pour servir à l’événement people 2008 que constitue notre mariage.
Hélas, nous déchantons rapidement. Moi qui m’attendais à ce que la recherche d’un traiteur ne soit qu’un long et délectable déjeuner à l’œil, on dirait qu’ils se sont tous donné le mot : « Nous n’organisons pas de dégustation à l’avance, Mademoiselle », me rétorque-t-on invariablement au téléphone.
Là, je sens qu’il y a anguille sous roche : ces guignols s’attendent-ils vraiment à ce que nous (enfin, nos gentils parents) leur donnions ce qui représente plus de la moitié du budget du mariage, sous la forme d’un chèque en blanc ? « Mais non, Mademoiselle (cette manie qu’ils ont de me rappeler que je ne suis pas encore mariée et que je vais devoir leur filer plein de sous avant…), vous pourrez bien sûr déguster différentes propositions une fois le devis signé ».
Euh… et si c’est pas bon ?
Cerise sur le gâteau, des amis bien intentionnés nous mettent en garde avec un mot d’ordre : « Ni canard ni pintade, malheureuse (c’est décidément toujours à moi qu’on semble s’adresser lorsqu’il s’agit du mariage) ! « Il y en a eu à TOUS les mariages qu’on a faits l’année dernière ! ». Perplexe, je tente de me remémorer le seul mariage que Prince et moi avons « fait », selon l’expression consacrée, en 2007. Voyons… si je parviens à me souvenir d’un cocktail absolument succulent, la combinaison de huit coupes de champagne en deux heures et d’une vingtaine de canapés de foie gras maison (mon petit faible, vous l’aurez compris) m’a rendu le dîner relativement flou. Je serais bien en peine de citer mes compagnons de tablée, alors si c’était du canard ou de la pintade… Une pratique que Prince retrouvera, à son grand désarroi, aux mariages qui suivront le nôtre.
Quoi qu’il en soit, nos conseillers sont formels : ni canard, ni pintade, « par pitié ». Nonchalant, Prince hausse les épaules : eh bien, qu’à cela ne tienne, nous servirons autre chose, voilà tout. Nos amis échangent un regard où se mêlent la compassion et la condescendance de ceux qui sont passés par là. Pédagogues, ils nous expliquent patiemment :
- Le bœuf ? Impossible d’en réussir la cuisson pour deux cents personnes, sauf à servir de la semelle. « Vous n’allez quand même pas faire ça à vos invités ! »
- Le porc ? A écarter pour d’évidentes raisons politico-religieuses (le même problème pourrait se poser pour le bœuf, mais nous prévoyons peu d’hindous à notre mariage)
- Le poulet ? Trop cheap ! (c’est ce qu’on va voir)
- Le poisson ? Trop cher (et Prince n’aime pas ça : en Hongrie, y en a pas) !
- Les fruits de mer ? Idem, sauf qu’en plus Prince leur voue une telle horreur qu’il quittera sans doute la table si on s’obstine à lui en servir.
Ah. Il reste donc… la pintade et le canard. CQFD.
Bien décidés à ne pas nous laisser abattre – et à dénicher malgré tout une petite dégustation par ci par là – Prince et moi passons en revue ma petite sélection de guignols de traiteurs :
- Nous écartons Traiteurs n°1 et 2, qui ne doivent l’insigne honneur d’être sélectionnés qu’à ma connaissance très lacunaire du département : le Var se révèle en effet bien plus grand qu’il n’y paraît. Avec 1h15 et 1h30 de route respectivement, nous décidons de laisser ces adresses de côté pour le moment : nous avons assez sillonné les routes pour nos guignols-photographes.
- Traiteur n°3, ô joie, nous promet au téléphone que nous pourrons goûter certains de leurs plats. Ô désespoir, lorsque nous découvrons des locaux à la propreté douteuse, une commerciale en mini-jupe qui nous propose « des tarifs très très intéressants » avec un sourire un peu effrayant, et un menu qui réalise l’exploit de me laisser de marbre. C’est pourtant pas bien compliqué de métamorphoser une mousse au chocolat industrielle saupoudrée de vermicelles de chocolat bon marché en « Délice onctueux aux deux chocolats » ?!
- Traiteur n°4 nous rit au nez : « De la place, un samedi de juin ? » N’importe quel samedi, suggérez-vous, troublée par son hilarité. (Oui, vous êtes prête à tout pour pouvoir manger le jour J, même à choisir la date de votre mariage en fonction du bon vouloir de Traiteur n°4) « Mais quelle idée, mademoiselle ! C’est complet depuis longtemps ! Vous savez, nous sommes très populaires dans la région », etc., etc.
- Traiteur n°5 tient boutique à quinze minutes à pied de chez vous, mais vous n’avez jamais mis les pieds dans son antre. Et pour cause : en voilà un qui n’a jamais dû entendre parler de nouvelle cuisine. Abats, tomates farcies, et quiches lorraines à tire-larigot, mais de plat un peu fin, point. Je repars dépitée… mais moins que Prince qui jubilait secrètement à l’idée d’un « dîner rustique ». « Mais si, on peut en reparler », lui assuré-je, en sachant pertinemment que cette discussion se soldera par une disqualification de la quiche lorraine.
- Traiteur n°6 a une vraie page Internet qui bouge toute seule avec plein de menus plus alléchants les uns que les autres – prix sur demande, bien sûr – et pas une quiche lorraine en vue. Quarante minutes de route plus tard – un compromis acceptable – Prince et moi découvrons une boutique magnifique où nous attendent des petits fours et des desserts plus tentants les uns que les autres. Telle une enfant à Noël, mais munie d’une carte bleue, je me lance dans une razzia ayant pour thème « pique-nique chic » dont nous nous délecterons en famille. Y a plus qu’à faire approuver le budget.
Troisième mouvement, allegro virtuoso : le DJ.