Voici une décision de justice d'une trés grande importance qui fera date dans l'histoire de l'écologie. Le Conseil d'Etat, soit la plus Haute juridiction administrative de notre pays a définitivement annulé les autorisations ministérielles de mise sur le marché du Cruiser.
Le motif de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat tient à l'irrégularité de l'évaluation des risques
"Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’appréciation à laquelle s’est livrée l’AFSSA et sur le fondement de laquelle le ministre a pris la décision contestée repose sur une méthode d’évaluation du risque qui n’est pas conforme à celle qu’exige la réglementation ; que, par suite, la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit ; que les requérants sont, dès lors, fondés à demander son annulation en tant qu’elle autorise jusqu’au 31 décembre 2008 la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser de la société Syngenta Agro SAS, pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ;"
Vous pouvez télécharger le communiqué de presse du Conseil d'Etat ici
Vous pouvez télécharger l'arrêt du Conseil d'Etat ici.
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies), sur le rapport de la 3ème sous-section
Nos 314016, 314044, 314144, 325193, 325318, 32532, CONFEDERATION PAYSANNE et autres
Séance du 24 janvier 2011 - Lecture du 16 février 2011
Vu, 1°), sous le n° 314016, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 7 mars, 9 juin et 4 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la CONFEDERATION PAYSANNE, dont le siège est 104, rue Robespierre à Bagnolet (93170), représentée par son secrétariat national, le MOUVEMENT POUR LE DROIT ET LE RESPECT DES GENERATIONS FUTURES, dont le siège est 7, rue principale à Saint-Deniscourt (60380), représenté par son président, l’association LES AMIS DE LA TERRE FRANCE, dont le siège est 2 B, rue Jules Ferry à Montreuil (93100), représentée par son président, le SYNDICAT DES APICULTEURS PROFESSIONNELS DU CENTRE ET DE L’OUEST, dont le siège est Maison de l’agriculture, Avenue Joxé à Angers (49000), représenté par son président, M. Jean SABENCH, demeurant à Ardouenne à Riols (34220), le SYNDICAT DES APICULTEURS PROFESSIONNELS RHONE-ALPES, dont le siège est Cité de l’agriculture, 43, avenue Albert Raymond à Saint-Priest-en-Jarez (42270), représenté par son président, et M. Philippe VERMANDERE, demeurant 8, route de Fontenay à Le Langon (85370) ; la CONFEDERATION PAYSANNE et autres demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision n° 2070196 du 7 janvier 2008 du ministre de l’agriculture et de la pêche en tant qu’elle autorise jusqu’au 31 décembre 2008 la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser de la société Syngenta Agro SAS, pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 2°), sous le n° 314044, la requête, enregistrée le 7 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE, dont le siège est 26, rue des Tournelles à Paris (75004), représentée par son président ; l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision n° 2070196 du 7 janvier 2008 du ministre de l’agriculture et de la pêche en tant qu’elle autorise jusqu’au 31 décembre 2008 la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser de la société Syngenta Agro SAS, pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 3°), sous le n° 314144, la requête, enregistrée le 11 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE, dont le siège est 5, rue de Copenhague à Paris (75008), représenté par son président ; le SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision n° 2070196 du 7 janvier 2008 du ministre de l’agriculture et de la pêche en tant qu’elle autorise jusqu’au 31 décembre 2008 la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser de la société Syngenta Agro SAS, pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ;
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Vu, 4°), sous le n° 325193, la requête, enregistrée le 13 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, dont le siège est au Réseau juridique, 10 rue Barbier au Mans (72000) ; l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 17 décembre 2008 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a renouvelé jusqu’au 31 décembre 2009 l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser accordée le 7 janvier 2008 à la société Syngenta Agro SAS pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 5°), sous le n° 325318, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 18 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la CONFEDERATION PAYSANNE, dont le siège est 104, rue Robespierre à Bagnolet (93170), représentée par son secrétariat national ; la CONFEDERATION PAYSANNE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 17 décembre 2008 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a renouvelé jusqu’au 31 décembre 2009 l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser accordée le 7 janvier 2008 à la société Syngenta Agro SAS pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 6°), sous le n° 325328, la requête, enregistrée le 17 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE, dont le siège est 26, rue des Tournelles à Paris (75004), représentée par son président ; l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 17 décembre 2008 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a renouvelé jusqu’au 31 décembre 2009 l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser accordée le 7 janvier 2008 à la société Syngenta Agro SAS pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 janvier 2011, présentée par le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2011, présentée pour la société Syngenta Agro SAS ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2011, présentée pour l’association générale des producteurs de maïs, le syndicat des établissements de semences agréés pour les semences de maïs et la fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho ;
Vu la nouvelle note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2011, présentée par le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 janvier 2011, présentée pour la CONFEDERATION PAYSANNE et autres ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 14 février 2011, présentées par l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE ;
Vu la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 ;
Vu la directive 2007/6/CE de la Commission du 14 février 2007 ;
Vu le code rural ;
Vu l’arrêté interministériel du 6 septembre 1994 portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la CONFEDERATION PAYSANNE et autres, de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société Syngenta Agro S.A.S. et de la SCP Monod, Colin, avocat de l’association générale des producteurs de maïs (AGPM) et autres,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la CONFEDERATION PAYSANNE et autres, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société Syngenta Agro S.A.S. et à la SCP Monod, Colin, avocat de l’association générale des producteurs de maïs (AGPM) et autres ;
Considérant que les requêtes n°s 314016, 314044 et 314144 sont dirigées contre la décision du 7 janvier 2008 du ministre de l’agriculture et de la pêche en tant qu’elle a autorisé jusqu’au 31 décembre 2008 la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser de la société Syngenta Agro SAS, pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ; que les requêtes n°s 325193, 325318 et 325328 sont dirigées contre la décision du 17 décembre 2008 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a renouvelé pour une durée d’un an, jusqu’au 31 décembre 2009, cette autorisation ; que ces requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur l’intervention du syndicat des apiculteurs professionnels de Bretagne :
Considérant que le syndicat des apiculteurs professionnels de Bretagne demande que le Conseil d’Etat fasse droit aux conclusions de la requête n° 314016 ; que ce syndicat a intérêt à l’annulation de la décision du 7 janvier 2008 du ministre de l’agriculture et de la pêche et produit une délibération régulière de son conseil d’administration du 4 mars 2008 autorisant son président à agir en justice contre cette décision ; que, dès lors, la société Syngenta Agro SAS n’est pas fondée à soutenir que l’intervention de ce syndicat est irrecevable ;
Sur les interventions de l’association générale des producteurs de maïs, du syndicat des établissements de semences agréés pour les semences de maïs et de la fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho :
Considérant que l’association générale des producteurs de maïs, le syndicat des établissements de semences agréés pour les semences de maïs et la fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho ont intérêt au rejet des requêtes n°s 325193, 325318 et 325328 ; que leur intervention en défense est, par suite, recevable ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Syngenta Agro SAS aux requêtes n°s 314016 et 325318, tirées du défaut d’intérêt et de qualité pour agir :
Considérant que la CONFEDERATION PAYSANNE, qui a pour objet, aux termes de ses statuts, « la défense, l’organisation et la représentation (…) des intérêts des paysans dans les domaines moral, social, culturel, technique, économique, juridique et fiscal », l’association MOUVEMENT POUR LE DROIT ET LE RESPECT DES GENERATIONS FUTURES, qui a notamment pour objet d’« agir (…) pour la défense de l’environnement et de la santé, (…) en informant sur : /- les conséquences négatives de l’agriculture ou de toute autre activité humaine utilisant les produits phytosanitaires (…) », l’association LES AMIS DE LA TERRE FRANCE, qui a pour objet statutaire d’ « agir pour la protection des êtres humains et de l’environnement » et, en particulier, de « protéger la biodiversité », le SYNDICAT DES APICULTEURS PROFESSIONNELS DU CENTRE ET DE L’OUEST et le SYNDICAT DES APICULTEURS PROFESSIONNELS RHONE-ALPES, qui ont pour but l’étude et la défense des intérêts des apiculteurs professionnels, et M. SABENCH et M. VERMANDERE, en leur qualité d’apiculteurs professionnels, justifient d’un intérêt pour demander l’annulation de la décision du ministre de l’agriculture et de la pêche du 7 janvier 2008 autorisant la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser ; que la CONFEDERATION PAYSANNE justifie également d’un intérêt pour agir contre la décision du 17 décembre 2008 par laquelle le ministre a renouvelé cette autorisation ; que les associations et syndicats requérants produisent les délibérations autorisant l’engagement des présentes actions en justice ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée aux requêtes n°s 314016 et 325318 par la société Syngenta Agro SAS, tirée d’un défaut d’intérêt et de qualité pour agir, doit être écartée ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Syngenta Agro SAS à la requête du SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE, tirée de la tardiveté de la requête :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision n° 2070196 du 7 janvier 2008 du ministre de l’agriculture et de la pêche a été publiée le 8 janvier 2008 ; que le délai de recours contentieux des tiers contre cette décision expirait le 10 mars 2008 ; que la requête du SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE n’a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat que le 11 mars 2008 ; que, toutefois, cette requête a été expédiée le 8 mars 2008 par le service postal express Chronopost et devait arriver au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 10 mars 2008 à 13h, soit en temps utile pour être enregistrée avant l’expiration du délai de recours contentieux ; que seules des perturbations du service postal ont empêché que le courrier ne parvienne à destination dans le délai prévu ; que, par suite, eu égard au délai anormal d’acheminement de la requête, la société Syngenta Agro SAS n’est pas fondée à soutenir qu’elle est tardive et, par suite, irrecevable ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’agriculture et de la pêche du 7 janvier 2008 :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes ;
Considérant que le paragraphe 2.5.2.3 du B de la partie I « Principes uniformes pour l’évaluation et l’autorisation des produits phytopharmaceutiques chimiques » de l’annexe III à l’arrêté interministériel du 6 septembre 1994 portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques, qui transpose le paragraphe 2.5.2.3 du B de la partie I de l’annexe VI à la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, impose à l’autorité administrative d’apprécier « la possibilité d’exposition des abeilles communes au produit phytopharmaceutique dans les conditions d’utilisation proposées ; si cette possibilité est réelle, (d’évaluer) l’ampleur du risque à court et à long terme auquel les abeilles communes pourraient être exposées après l’application du produit selon les conditions d’application proposées. /(…)/ b) cette évaluation porte sur les éléments suivants : i) Le ratio entre la dose d’application maximale en grammes de substance active par hectare et la DL 50 par voie orale et par contact en microgrammes de substance active par abeille (quotients de danger) et, si nécessaire, la persistance de résidus sur ou dans les végétaux traités ; / ii) Le cas échéant, les effets sur les larves d’abeilles, sur le comportement des abeilles et sur la survie et le développement de la colonie, après l’utilisation du produit phytopharmaceutique dans les conditions proposées » ; qu’aux termes du paragraphe 2.5.2.3 du C de la partie I de la même annexe, pris pour la transposition du paragraphe 2.5.2.3 du C de la partie I de l’annexe VI à la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 : « Il n’est pas accordé d’autorisation en cas d’exposition potentielle des abeilles communes si les quotients de danger d’exposition des abeilles par contact ou par voie orale sont supérieurs à 50, à moins qu’une évaluation appropriée du risque n’établisse concrètement que l’utilisation du produit phytopharmaceutique dans les conditions proposées n’a pas d’impact inacceptable sur les larves, le comportement des abeilles et la survie et le développement de la colonie » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), pour évaluer l’ampleur du risque à court et à long terme auquel les abeilles communes pourraient être exposées après l’application du produit Cruiser, n’a pas examiné le ratio entre la dose d’application maximale en grammes de substance active par hectare et la dose produisant, par voie orale ou par contact, la mortalité de 50 % des individus intoxiqués (DL 50 par voie orale et par contact), exprimée en microgrammes de substance active par abeille, et n’a ainsi pas respecté la méthodologie des quotients de danger prescrite par les dispositions citées ci-dessus ;
Considérant que, pour justifier que l’évaluation réalisée par l’AFSSA n’ait pas porté sur ces quotients de danger, le ministre fait valoir que cette méthode ne serait pas applicable aux produits phytopharmaceutiques dits « systémiques » tels que le Cruiser, qui ne sont pas appliqués par pulvérisation, mais par enrobage de semences ; que, toutefois, les dispositions précitées de l’arrêté du 6 septembre 1994, prises pour transposer la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991, n’écartent pas la méthode des quotients de danger pour les produits systémiques ; que, si le ministre se prévaut du document Sanco/10329/2002 de la Commission du 17 octobre 2002, ce document de travail interne est dépourvu d’effets juridiques contraignants et ne saurait être regardé comme permettant de déroger aux dispositions de la directive du 15 juillet 1991 prescrivant le recours à la méthode des quotients de danger, ni comme ayant abrogé celles-ci ; que la circonstance que la société pétitionnaire aurait fourni, dans son dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché, des évaluations conformes à la méthode des quotients de danger, ne saurait avoir dispensé l’AFSSA de son obligation de se prononcer sur l’ampleur des risques pour les abeilles communes au regard de ces ratios ; qu’en outre, si le paragraphe 2.5.2.3 du C de la partie I de l’annexe III à l’arrêté du 6 septembre 1994 mentionné ci-dessus permet à titre dérogatoire de délivrer une autorisation à un produit phytopharmaceutique, alors même que les quotients de danger d’exposition des abeilles par contact ou par voie orale seraient supérieurs à 50, lorsque « une évaluation appropriée du risque » établit concrètement que « l’utilisation du produit phytopharmaceutique dans les conditions proposées n’a pas d’impact inacceptable sur les larves, le comportement des abeilles et la survie et le développement de la colonie », le ministre n’apporte pas d’éléments suffisants et précis permettant d’établir que la méthode d’évaluation retenue par l’AFSSA dans ses avis des 21 novembre et 20 décembre 2007, qui n’ont au demeurant, à défaut de données disponibles sur les effets à long terme, conclu à l’absence de caractère inacceptable de l’impact de la préparation Cruiser sur les abeilles que sur le court terme, satisferait aux conditions posées par les dispositions dérogatoires précitées ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’appréciation à laquelle s’est livrée l’AFSSA et sur le fondement de laquelle le ministre a pris la décision contestée repose sur une méthode d’évaluation du risque qui n’est pas conforme à celle qu’exige la réglementation ; que, par suite, la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit ; que les requérants sont, dès lors, fondés à demander son annulation en tant qu’elle autorise jusqu’au 31 décembre 2008 la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser de la société Syngenta Agro SAS, pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte-graine femelle ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’agriculture et de la pêche du 17 décembre 2008 :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 17 décembre 2008, le ministre de l’agriculture et de la pêche a renouvelé, jusqu’au 31 décembre 2009, l’autorisation de mise sur le marché qu’il avait délivrée à la société Syngenta Agro SAS pour la préparation Cruiser le 7 janvier 2008 ; que cette décision a été prise sur le fondement d’un avis favorable de l’AFSSA du 14 novembre 2008 qui renvoie, s’agissant de l’évaluation des bénéfices et des risques relatifs à cette préparation, à ses précédents avis des 21 novembre et 20 décembre 2007, 25 janvier, 13 juin et 23 octobre 2008, pour lesquels l’Agence n’a pas examiné, pour évaluer l’ampleur du risque à court et à long terme auquel les abeilles communes pourraient être exposées après l’application du produit Cruiser, les quotients de danger d’exposition de ces insectes ; que l’AFSSA n’a ainsi pas respecté la méthodologie des quotients de danger prescrite par les dispositions précitées de l’arrêté du 6 septembre 1994, prises pour transposer la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 ; qu’en outre, si le ministre de l’agriculture et de la pêche et la société Syngenta Agro SAS soutiennent en défense que l’évaluation par l’AFSSA de l’innocuité du produit en cause pour les abeilles a été suffisante, ils n’apportent en tout état de cause pas d’éléments suffisants et précis de nature à établir que la méthode suivie en l’espèce par l’AFSSA permettrait d’établir concrètement et par une évaluation appropriée que l’utilisation du Cruiser dans les conditions proposées n’a pas d’impact inacceptable sur les larves, le comportement des abeilles et la survie et le développement de la colonie à court et à long terme ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l’appréciation à laquelle s’est livrée l’AFSSA et sur le fondement de laquelle le ministre a pris la décision de renouvellement contestée repose sur une méthode d’évaluation du risque qui n’est pas conforme à celle qu’exige la réglementation ; que cette décision est, par suite, entachée d’une erreur de droit ; que les requérants sont, dès lors, fondés à en demander l’annulation ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, en application de ces dispositions, le versement d’une somme globale de 3 000 euros à la CONFEDERATION PAYSANNE ET AUTRES au titre de la requête n° 314016, d’une somme de 3 000 euros à la CONFEDERATION PAYSANNE au titre de la requête n° 325318, d’une somme de 6 000 euros à l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE au titre des requêtes n°s 314044 et 325328 et d’une somme de 3 000 euros à l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT au titre de la requête n° 325193 ; qu’il y a lieu également, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Syngenta Agro SAS le versement d’une somme de 1 500 euros à l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge de la CONFEDERATION PAYSANNE et autres, de l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE, du SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE et de l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme à la société Syngenta Agro SAS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’intervention du syndicat des apiculteurs professionnels de Bretagne et les interventions de l’association générale des producteurs de maïs, du syndicat des établissements de semences agréés pour les semences de maïs et de la fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho sont admises.
Article 2 : La décision n° 2070196 du 7 janvier 2008 du ministre de l’agriculture et de la pêche, en tant qu’elle autorise jusqu’au 31 décembre 2008 la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Cruiser de la société Syngenta Agro SAS pour un usage en traitement de semences contre les oscinies et les taupins sur le maïs grain, le maïs ensilage et le maïs porte graine femelle et la décision du 17 décembre 2008 par laquelle le ministre de l’agriculture et de la pêche a renouvelé cette autorisation jusqu’au 31 décembre 2009 sont annulées.
Article 3 : L’Etat versera une somme globale de 3 000 euros à la CONFEDERATION PAYSANNE ET AUTRES, une somme de 3 000 euros à la CONFEDERATION PAYSANNE, une somme de 6 000 euros à l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE et une somme de 1 500 euros à l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La société Syngenta Agro SAS versera une somme de 1 500 euros à l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la société Syngenta Agro SAS tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION PAYSANNE, au MOUVEMENT POUR LE DROIT ET LE RESPECT DES GENERATIONS FUTURES, à l’association LES AMIS DE LA TERRE FRANCE, au SYNDICAT DES APICULTEURS PROFESSIONNELS DU CENTRE ET DE L’OUEST, à M. Jean SABENCH, au SYNDICAT DES APICULTEURS PROFESSIONNELS RHONE-ALPES, à M. Philippe VERMANDERE, à l’UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE, au SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE, à l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, à la société Syngenta Agro SAS, au syndicat des apiculteurs professionnels de Bretagne, à l’association générale des producteurs de maïs, au syndicat des établissements de semences agréés pour les semences de maïs et à la fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho.