Il y a longtemps qu’on sait que les politiques sont les maîtres du double langage. Un exemple frappant nous est encore donné actuellement avec l’Iran : après avoir félicité le peuple égyptien pour avoir pris son autonomie et dégager Moubarak, suppôt de Satan, ils s’empressent de réprimer férocement ceux qui se contentent d’imiter les Égyptiens félicités !
Un autre exemple – plus complexe et heureusement moins sanglant – nous est donné dans les négociations pour la constitution d’un gouvernement en Belgique. C’est surtout le CD&V qui pratique le style, à propos de la question de Bruxelles. Un des points qui posent difficulté, fortement relayé ces derniers jours par des ténors du parti flamand et très bien expliqué par Vincent de Coorebyter, est le fait qu’en cas de nouvelle répartition de compétences communautaires, comme les allocations familiales ou les soins de santé, les francophones et certains partis flamands (SP.A et Groen) souhaiteraient que ces compétences soient attribuées à la Région de Bruxelles-Capitale, alors que le CD&V (et dans une moindre mesure la N-VA) exige qu’elles soient régies d’une part par la Communauté flamande et d’autre part par la Communauté française de Belgique, afin de ne pas « séparer » le peuple flamand.
La logique mise en avant est donc celle de la « communauté », définie sur une base linguistique, et qui conduit à des compétences liées pour l’essentiel à la langue et à la culture, dont l’enseignement.
Néanmoins, dès qu’on aborde la question des francophones habitant en Flandre, que ce soit dans n’importe quelle commune, mais en particulier dans les communes de la périphérie bruxelloise, dites « à facilités », le discours change. Il n’est en effet pas question pour les flamands – et ils sont sans doute tous unanimes sur ce point – de considérer que ces francophones appartiendraient à la Communauté française de Belgique du fait de leur langue et de leur culture, ni même à la Région bilingue de Bruxelles-Capitale. Dans ce cas, la dimension linguistique est totalement gommée : puisqu’ils habitent sur le territoire flamand (celui-ci étant géré par la Région flamande), ils sont considérés comme « flamands » et doivent se conformer à ce que les pouvoirs publics flamands décident pour eux.
Double langage donc : lorsque c’est la logique communautaire qui est avantageuse pour les flamands, seule celle-ci doit être prise en compte alors que lorsque c’est la logique régionale qui est nécessaire, seule celle-ci doit s’imposer. Visiblement, le côté paradoxal de ce double langage échappe totalement aux responsables du CD&V. Il n’y a pas de raison de penser qu’ils pourraient changer de discours. Nous ne sommes donc pas près d’une solution, même si celle-ci devra finir par exister. J’ajoute que la solution « scission » du Plan B n’en est pas une puisque le double langage serait encore exacerbé dans ce cas !
Alors, exceptionnellement, utilisons un troisième langage : « Wait and see » ! (Quoique l'attente commence à être longue… on a surtout envie de voir maintenant !)