Toute cette agitation (au sens quasi chimique du terme) autour de la proposition de loi dite PULN ( Prix Unique du livre) ou Prisunic en langage plus trivial fait remonter des abysses des peurs, des craintes mais finalement des espoirs.
Sans revenir sur le versant législatif et juridique de la chose, dont les tenants ont été analysés par l'IABD (en détail cette déclaration et encore ces amendements) et soutenant pleinement cette position, je vois que l'ébullition finalement a le mérite de clarifier la situation.
Dire que le livre numérique en France est dans une position difficile n'a rien d'inconvenant. Le système d'accès parcellisé entre plusieurs e-distributeurs rend assez opaque sa visibilité, les DRM compliquent à souhait les téléchargements, l'indigence actuelle de l'offre déçoit. C'est le début, dit-on, attendez, vous allez voir.
Ce qu'on voit c'est une séance d'Assemblée nationale digne des débats et votes de la Dadvsi en 2005 avec un bâclage remarquable. Les lobbies (ne soyons pas naïfs) avaient un peu préparé le terrain. Soit.
Là-dessus, l'AFP elle-même annonce le vote de la loi : nenni, une navette vers le Sénat s'impose. La promulgation serait autour de mai 2011.
Passant là-dessus, et si on retournait aux fondements mêmes ? Le livre numérique pour une bibliothèque fait partie d'une nouvelle approche d'accès (au savoir, à la connaissance). Pourquoi cet accès n'est-il pas partie intégrante du prix, fixé, rappelons-le par l'éditeur ?
Dire que les bibliothèques ne veulent pas payer est un mauvais procès. Avant la loi, on en parlait déjà et les pionniers ont pris les abonnements aux plateformes et services disponibles. Pendant la loi, ça continue, les recherches, les essais, parce que les dispositifs ont besoin d'être améliorés.
Et après la loi, quoiqu'il arrive, les bibliothèques seront présentes sur ce terrain.
On pourrait dire que lier le prix à la mission est un grossier amalgame. On pourait dire aussi que le livre numérique n'est pas qu'un prix et que parfois, souvent ou à égalité il est disponible dans des formats ouverts et libres parce que les droits d'auteur sont échus. Et ceux-là nous intéressent, dans cet ensemble de culture numérique ouverte. Et se tourner vers ce gisement sera peut-être (sans doute) un sacré échappatoire. Parce que l'Etat a failli sur ce dossier, parce que les 11 millions de lecteurs sauront tous pourquoi les bibliothèques ne proposeront pas de ces livres numériques homothétiques (et les autres?) si les conditions d'accès ne sont pas réunies. Parce que quelque part aujourd'hui, il y a besoin de comprendre comment se créent les champs numériques du savoir et d'y participer avec autre chose qu'un bon de commande administratif.
Finalement, la bonne leçon de Prisunic est peut-être celle-là : bibliothécaires, partez à la découverte des ressources numériques disponibles, créez-en de nouvelles, parlez-en avec les "gens", promouvez les littératures nouvelles, singulières (il y a des éditeurs qui sont prêts à le faire et qui le font).
Quand les territoires numériques commenceront à coïncider avec ces nouveaux territoires de vie, les offres "en l'air" seront bien moins attrayantes. Tant pis pour le marché. Tant mieux pour la culture.