C’est donc avec plaisir que je me suis plongé dans ce que je pensais être une biographie de Robert BRASILLACH. En effet, la quatrième de couverture nous annonce :
Philippe Bilger ne revient pas sur sa culpabilité mais retrace le parcours intellectuel de ce personnage sulfureux. Il met en lumière les ressorts intimes de l’écrivain collaborateur, les raisons tantôt explicites, tantôt obscures de ses dérives.
Sauf que j’aurai dû lire plus attentivement la suite :
Surtout, il pointe la justice expéditive qui a présidé au procès de cet intellectuel qu’il rejuge en sa qualité d’avocat général.
Donc, pour ne décevoir les éventuels futurs lecteurs : ce n’est pas une biographie ! On retrace, certes, rapidement, un peu trop même, sa jeunesse et son éphémère carrière de journaliste et de lettreux, mais surtout on se perd en conjecture et supputations lors du procès, pour essayer de comprendre pourquoi ci et pas ça. On essaye de se mettre à la place de l’avocat de Robert BRASILLACH, du président ou encore du commissaire du gouvernement. Ce serait comme de refaire le match, en imaginant ce qu’aurait apporté de mettre tel joueur à tel poste. On aura beau faire toutes les simulations possibles, une fois que le coup de sifflet final a retenti, le score ne peut être changé (sauf sur tapis vert, mais c’est une autre histoire…).
Car si on se contente des faits, l’histoire est vite expédiée. L’écrivain a choisi le mauvais camp, comme tant d’autres, et devait payer pour l’exemple. Mais pour quel exemple ? Pour la responsabilité de l’intellectuel ou comme intellectuel de la responsabilité. En effet, Philippe Bilger montre bien à quel point l’accusation repose sur si peu d’éléments (tout au plus quelques articles – mais d’autres en ont écrit pires ! – et un voyage qu’il n’était pas le seul à avoir fait, et qu’il a fait en tant que journaliste qui plus est…) que l’issue d’un tel procès a l’heure actuelle ne ferait aucun doute.
Mais voilà, il fallait un coupable expiatoire, pour bien montrer qu’on changeait d’époque, qu’on reconnaissait que certains avaient mal agi. Mais pourquoi lui alors que d’autres avaient fait pire ? Alors que des intellectuels d’autre bord ont tenté d’éviter son exécution fatale ? A croire que les Moires en avaient décidé ainsi… Attention, je n’exonère nullement les écrits antisémites, ni le personnage, simplement, une condamnation à la réclusion (sinon à perpétuité, du moins pour de longues années) voire à l’indignité nationale semblait plus appropriée dans son cas…
Si on lit cet ouvrage dans la perspective d’une réflexion sur la justice et son pouvoir, on trouvera peut-être son compte. Pour ma part, j’ai été déçu, car je m’attendais à une biographie fouillée comme celle de Malraux ou de Marie-Antoinette, pas comme celle d’Aimé Césaire… Ne me reste plus qu’à trouver Brasillach ou la trahison du clerc, ou Jacques Isorni l’avocat de tous les combats, dont s’est servi l’auteur pour rédiger cet ouvrage.