René Vautier, né en 1928, est un cinéaste engagé. Son premier film, Afrique 50 est un brûlot anticolonialiste, tournée en Afrique occidentale française entre 1949 et 1950. Envoyé par la Ligue de l’enseignement pour faire un film sur les bienfaits de la présence française en Afrique et les conditions de vie dans les villages de Côte d'Ivoire, de Haute-Volta, du Sénégal et du Soudan français, René Vautier, découvrant à la fois l’Afrique et le système colonial va décider de rendre compte à sa façon et selon l’adage des vers d’Éluard :
« Je dis ce que je vois,
ce que je sais,
ce qui est vrai ».
René Vautier filme et entre dans la clandestinité. On lui refuse l’autorisation de filmer selon un décret de 1934 de Pierre Laval. Ancien maquisard, il refuse de se soumettre au décret d’un membre du gouvernement de Vichy. Il tourne, il fuit, il se fait arrêter, il est libérer par la pression populaire africaine, il est caché par des amis africains chez les Dogons du Mali… Quand il rentre enfin en France avec une soixantaine de bobines, il retourne dans les bureaux de la Ligue de l’enseignement pour monter son film. Mais la police viendra saisir ses bobines et les brûler. Il ne réussira à sauver que 17 d’entres elles, avec lesquelles il montera le film Afrique 50. Ses ennuis ne s’arrêtent pas là : le film est censuré, il ne trouve pas de distributeur (il faudra attendre les années 1990). Il ne sera montré que lors de festival ou lors de séances privées, en toute illégalité, grâce au réseau des auberges de jeunesse, des mouvements de scoutismes et de toutes les « gauches », ainsi que des associations de Résistants. Cela suffira pour être reconnu par ses pairs, Joris Ivens en tête.
De retour en Afrique, René Vautier sera incarcéré et aura comme codétenu un certain Félix Houphouët-Boigny. Pendant son périple il aura aussi été aidé par Modibo Keïta futur président du Mali et N’Kwané N’Krumah qui sera 5 ans plus tard président du Ghana.
Le film documentaire de Richard Hamon, fait la part belle aux images et à la parole de René Vautier. De nombreux extraits du film Afrique 50, illustrent les propos du réalisateur filmé chez lui en Bretagne et de retour en Afrique dans certains des villages traversés lors de son périple des années 1949 et 1950. Les témoignages d’une historienne et d’une spécialiste en cinéma apportent des éclairages utiles tant sur les faits historiques et leurs contextes que sur les conditions de censure des films militants. Enfin, d’autres images de l’Afrique durant les périodes coloniales illustrent fort à propos ce que René Vautier dénonce ou que l’historienne contextualise.
Ce documentaire au format court est bien utile pour accompagner le film Afrique 50, disponible en DVD mais aussi sur Internet.
Lire un dossier passionnant de l'éditeur du DVD, Vivement lundi, sur ce documentaire et sur René Vautier. Retrouvez mon billet sur Afrique 50.
Le Petit Blanc à la caméra rouge
Richard Hamon, Vivement lundi, 2008 - 52 mn