Cela fait quelque temps que je voulais vous parler de cette nouvelle étude mais l’actualité ne m’en a pas laissé l’opportunité. Menée par le Vanderbilt-Ingram Cancer Center (CIVC) et le Shanghai Institute of Preventive Medicine, elle a été publiée récemment dans le Journal of Clinical Oncology. La qualité de vie de 2230 femmes suivies pendant environ 4,8 ans après leur cancer du sein a été évaluée et l’impact sur les éventuelles rechutes quantifié. Les résultats indiquent clairement que le bien être social influe sur le pronostic de la maladie. Et le risque ne serait pas négligeable puisqu’on enregistre 6 mois après les traitements 48% de récidives et 38% de décès en moins chez les femmes déclarant avoir une meilleure qualité de vie! Des chiffres impressionnants, vous l’avouerez!
Mais qu’est-ce que le bien-être social? Comment définit-on la qualité de vie? L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1994 a tenté d’y apporter une réponse : [la qualité de vie est] « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement « . Pas si simple ! Les chercheurs s’accordent à en donner une définition résumée en 4 critères qui a le mérite d’être plus claire. Ce que l’on nomme qualité de vie s’articulerait autour de :
- L’état physique : autonomie, capacités physiques
- les sensations somatiques : symptômes, conséquence des traumatismes ou des procédures thérapeutiques, douleurs
- L’état psychologique : émotivité, anxiété, dépression
- Statut social : relations sociales et rapport à l’environnement familial, amical ou professionnel
Prenons ces quatre points un à un :
Il semble évident qu’après un cancer du sein, l’état physique laisse à désirer particulièrement pendant les 6 mois qui suivent les traitements. Les capacités physiques sont largement diminuées et ce, pour une bonne partie d’entre nous.
De même pour le point numéro deux, puisque les conséquences du traumatisme que représente le cancer restent, me semble-t-il bien présentes pendant de longues années ! Quant aux douleurs ou conséquences des protocoles, n’en parlons pas
Emotivité, anxiété voire dépression sont également le lot de beaucoup de femmes qui se relèvent difficilement ou en tout cas mettent du temps à retrouver une état mental que je qualifierais de « normal ».
Enfin, les relations sociales sont un élément important sans conteste, et là nous ne sommes malheureusement pas à égalité. Famille, amis, collègues seront présents, empathiques, à l’écoute pour l’une qui a la chance inestimable d’avoir été et d’être entourée. Mais pour d’autres qui vivent un célibat ou sont encore en arrêt maladie, qui ont vu bon nombre d’amis leur tourner le dos, ce ne sera de fait, pas le cas.
Il faut ajouter à ces quatre points la notion de l’OMS de « niveau d’indépendance ». En effet, quid de la situation financière ? Une femme aisée vivra forcément mieux qu’une autre qui se débat avec des problèmes d’argent l’obligeant à reprendre son travail avant l’heure. Doit on en conclure qu’il vaut mieux être mariée, entourée d’amis, solide et riche plutôt que seule, fragile et pauvre? Joli constat!
Tout ceci me laisse donc très perplexe. La notion elle-même n’est-elle pas subjective? Peut-on être sur de l’objectivité des réponses? Cette étude est-elle vraiment représentative?
Enfin, au delà de la subjectivité de la notion même de bien être social ces résultats soulèvent un problème. Si réellement la qualité de vie de certaines femmes est en cause, comment les aider concrètement? Les solutions pour améliorer l’état physique, somatique ou psychologique semblent évidentes : elles passent par la mise en place d’un suivi psychologique et la baisse des effets secondaires à long terme des traitements. Soit, mais qui pourra aider les femmes à s’entourer d’amis, d’aidants, d’aimants? Qui pourra leur fournir une aide financière suffisante pour survivre? Pointés du doigt les problèmes ne seront malheureusement pas solutionnés par un coup de baguette magique
Catherine Cerisey
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Sources : ARC/ The MedicalNews/Wikipédia
Photo : Neila Ben Ayed »joie et bonheur »