Coup sur coup, les affaires de la jeune Laetitia et de Florence Cassez ont illustré, chacune à leur façon, les risques d’une parole présidentielle précipitée et non maîtrisée. Vent de fronde sans précédent dans la magistrature dans le premier cas, incident diplomatiques avec un pays ami de la France dans le second, Nicolas Sarkozy, par son verbe toujours haut tend à ne rien régler mais à tout enflammer.
Le problème avec Nicolas Sarkozy, c’est que loin de prendre de la hauteur, il a cette rare capacité à tout personnaliser. Si dans les pas d’Attila l’herbe ne repoussait pas, dans ceux de Nicolas Sarkozy éclot la zizanie.
La page de la fronde judiciaire semble aujourd’hui être tournée mais “Nicolas Sarkozy a parlé trop vite” estime Robert Badinter ancien garde des sceaux. Un point de vue partagé par Arnaud Montebourg qui demande “des excuses du chef de l’État” après les conclusions des rapports d’inspection mettant hors de cause les juges dans le suivi du meurtrier présumé de Laetitia.
Trop tard, le mal est fait, la blessure aura du mal à cicatriser. Même causes même effets concernant l’incarcération de Florence Cassez au Mexique. L’arrogance du président français s’est révélée totalement contre-productive. Les autorités françaises auront eu dans cette histoire la légèreté d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Plus d’un pays se serait agacé voire révulsé des commentaires d’un chef d’État étranger sur son système judiciaire. La justice mexicaine n’est sans doute pas parfaite mais elle s’exerce dans une démocratie. Sans revenir sur le fond du dossier, Florence Cassez a été jugée et condamnée par un tribunal mexicain dans un dossier lourd puisque son compagnon est présumé responsable d’un meurtre et du kidnapping de 10 personnes dont trois ont été retrouvés dans le sous-sol de sa maison.
La vraie clé du dossier est évoquée par Florence Aubenas sur le site du Nouvel Observateur . La journaliste relève que le responsable de la police à l’époque de l’affaire Cassez est García Luna l’actuel ministre de la Sécurité publique mais surtout qu’il est accusé de collusion avec l’un des plus grands cartels de drogue du pays. Autrement dit, la révision du procès de Florence Cassez passe par une bataille judiciaire autour de la mise en cause et la destitution de García Luna.
Mais Sarkozy ne s’est pas encombré de tant de finesse, préférant jeter comme à son habitude l’opprobre sur l’ensemble de la justice mexicaine, n’hésitant pas à déclarer à propos de la Française qu’elle a été “condamnée dans les conditions qu’on sait”.
Voilà le genre de propos qui ne risque pas d’arranger le sort de l’intéressée. Leur sévérité tranche d’ailleurs avec la complaisance des autorités françaises à l’égard de système judiciaires beaucoup plus expéditifs comme en Chine…
Sarko de Montmirail. Impulsif notre président n’en est pas moins intelligent. C’est depuis Montmirail dans la Marne, où il était en déplacement que Nicolas Sarkozy conscient d’en avoir fait un peu trop est passé du rôle de pyromane à celui de pompier en appelant un peu tard au sang-froid.
Doberman toujours de service malgré ses brillants états de service dans l’épisode tunisien, Michèle Alliot-Marie n’a pas eu le temps de changer de cap. MAM, tout de même ministre des affaires étrangères, a continué à souffler le chaud. Aprés avoir évoqué “un déni de justice” le 11 février, elle a remis le couvert ce mardi à l’Assemblée nationale : “Aucun des éléments graves qui ont pesé sur la régularité de la procédure n’ont été pris en compte”, “nous continuerons à tous nous mobiliser pour qu’une issue conforme à la justice et au droit soit reconnue et mise en œuvre.”
Le chef de l’État entraîne dans son mauvais sillage, dans le piège de l’émotion, toute une partie de la société française et des médias. Les anciens nous apprenaient à nous méfier de la beauté du diable. Le visage angélique de Florence Cassez n’est pas plus une preuve de son innocence qu’une mine patibulaire peut à l’inverse être considérée comme une présomption de culpabilité.
Le dossier Cassez reste complexe et nécessite dans l’intérêt même de la jeune femme d’être abordé, profil bas avec prudence et pincettes. L’émotion générée par la lourdeur de la condamnation de la ressortissante française doit ainsi être mise en balance avec l’émotion suscitée au Mexique par la multiplication des enlèvements.
Loin d’être une boussole, la présidence de la République par son nez dans le guidon, son agitation perpétuelle et ses spasmes hystèrise notre société lorsqu’il faudrait lui apporter recul et sérénité.
A cet égard, la stratégie du président protecteur arrêtée par l’Élysée donne le sentiment d’une politique opportuniste et de gribouille. Elle réussit le tour de force de parler dans le même temps de présomption de culpabilité à l’égard de Tony Meilhon au titre de la compassion à l’égard des victimes et de l’autre, dans celui de Florence Cassez, de clamer l’innocence pour une compatriote pourtant jugée et condamnée dans pays étranger.
Crédit photo : capture d’écran (TF1)
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