Le dimanche 13 Février, et pour fêter un mois de liberté, j’ai participé à la caravane qui s’est dirigée vers Kassrine.
J’ai été surprise de voir le nombre de personnes qui y étaient. Dès le départ, nous avions reçus un cd qui regroupé les chansons de la révolution. Un pure bonheur que nous avons écouté et ré-écouté tout au long du trajet.
Pour faire court et vous épargner les détails de ce voyage je vais directement parler d’un village où nous nous sommes arrêtés. Il y avait une foule et les voitures ne passaient qu’une par une. Je suis descendue pour voir ce qui passait et il s’est avéré que les habitants de ce village ont égorgé un mouton en guise de bienvenue et toutes les voitures devaient passer sur le sang de ce mouton. L’accueil de ces villageois été très chaleureux. Tout le monde était là pour saluer les participants à la caravane : hommes, femmes, personnes âgées, adolescents et même des bébés. J’ai un peu discuté avec une fille et qui m’avait informé que son village s’appelait « Echraya3 ». Mais lorsqu’elle me parlait je n’arrivais pas à la regarder dans les yeux pour la simple raison que je ne connaissais même pas le nom de son village et avant ce jour je ne savais pas qu’il existait.
Elle m’a remercié pour avoir pris la peine d’aller à Kassrine. Elle m’a aussi dit une chose qui restera gravée dans ma mémoire à vie : nous sommes tous des tunisiens. Il est vrai que sur nos pièces d’identités la nationalité marquée est tunisienne mais ça s’arrête là. Comment je peux dire que nous sommes toutes les deux tunisiennes or je ne savais même pas que son village existait ? Est-ce l’ancien gouvernement qui m’a empêché de connaître les quatre coins de mon pays ? C’est l’ancien gouvernement qui m’a empêché de savoir qu’il y avait des personnes nécessiteuses dans des zones lointaines et oubliées ? Ou peut être que je ne connaissais pas ce village ou le village qu’on a dernièrement montré à la télé parce que les chaînes de télés ne les montraient pas.
Les habitants d’Echraya3 étaient des tunisiens et ceux qui ont participé à la caravane étaient des tunisiens aussi. Mais il y avait une grande différence. Même en observant les enfants de ce village et les enfants qui faisaient partie de la caravane la différence était flagrante : les enfants de la caravane venant de Tunis étaient bien habillés et bien lookés. Ils portaient des bottes ou des espadrilles. Sur leurs pulls il y avait la photo de leurs personnages Disney favoris sans oublier le papillon dans les cheveux pour quelques fillettes. Certains enfants du village ne portaient même pas de chaussettes alors qu’on était en hiver et je vous laisse le soin d’imaginer le reste.
Nous avons repris le chemin pour arriver Kassrine et comme d’habitude tous les habitants étaient dans la rue pour nous accueillir et ils ne cessaient de répéter « Merci d’être venus ». Ils ont préparé le déjeuner pour les centaines de gens venus. Dans la foule, j’ai rencontré Maram, un bébé âgé de deux ans qui a perdu la parole. On lui a tiré une bombe à lacrymogène et lorsqu’un un jeune de son quartier courrait dans la rue pour essayer de l’amener à l’hôpital parce qu’il n’y avait pas d’ambulance on lui a tiré une balle dans la jambe. La petite Maram a depuis perdu la parole et ces cordes vocales ont été touchées sans parler des autres effets de la bombe sur le bébé. La mère de Maram devrait l’emmener à l’hôpital à Tunis sachant qu’elle n’est jamais venue à la capitale et que surtout qu’elle n’a pas les moyens pour faire soigner sa fille. Maram a une grande sœur qui a 14 ans. La sœur de Maram est la première de sa classe avec 17 de moyenne. C’est une très belle fille mais on ne pouvait pas voir sa beauté à cause de son look négligé. Cette fille essayait de travailler et d’aider ces parents. Je me rappelle qu’à 14 ans je voulais que mes parents m’achètent un scooter pour me déplacer et que je devais impérativement avoir les dernières baskets Nike Air à la mode. En voyant les tongs que portait la sœur de Maram je pense qu’elle voulait juste une paire de baskets.
La journée du 13 Février 2011 restera gravée dans ma mémoire à jamais. J’ai appris que la Tunisie ne se limitait pas aux grandes agglomérations et que j’avais surtout envers les tunisiens qui vivent dans les villages oubliés par le gouvernement et par le peuple. La révolution nous a rapproché et l’union ne s’est pas limitée à affronter l’ancien régime mais elle doit continuer pour que chaque tunisien ait un minimum de nécessité et de richesse.