En vente à partir du mois de février dans les dispensaires du Colorado, le Canna Cola, une nouvelle gamme de boissons contenant du THC - la molécule aux effets psychotropes du cannabis -, est présenté par ses concepteurs comme un "alicament" (ou "médicaliment") - du mot-valise inventé pour désigner les substances qui auraient des vertus à la fois nutritives et médicales. Objectif officiel : offrir une solution de remplacement à la fumette et aux space cookies - gâteaux aromatisés au cannabis - pour les malades possesseurs d'une "carte cannabis", et donc autorisés à consommer cette substance dans le but uniquement de lutter contre la douleur. Canna Cola devrait coûter entre 10 et 12 dollars et contenir "de 35 à 65 milligrammes" de THC, selon Scott Riddell, fondateur de Diavolo Brands, l'entreprise en charge de la mise sur le marché du produit.
Si Canna Cola n'est pas la première boisson à être lancée sur ce juteux marché - 14 États américains autorisent la consommation de cannabis à des fins médicales -, c'est son emballage qui interpelle, car il en dit long sur la véritable cible visée. La boisson sera en effet vendue dans de petites bouteilles ultra-colorées contenant l'équivalent d'une canette, ornées d'une grosse feuille de cannabis en bulles et qui rappellent volontairement d'autres célèbres boissons gazeuses américaines. Le DocWeed, par exemple, est au Dr Pepper ce que les space cookies sont aux bons vieux gâteaux de grand-mère. Pas besoin d'être un spécialiste du marketing pour comprendre que le but est d'attirer une clientèle jeune et avide de boissons sucrées.
Du Colorado à la Californie
Et cela n'a rien d'un hasard, dans un pays où la consommation de cannabis chez les jeunes augmente sensiblement. En 2010, 21,4 % des élèves de terminale aux États-Unis affirmaient avoir consommé du cannabis au cours du mois précédent, contre 19,2 % seulement qui affirment avoir fumé des cigarettes, selon une enquête du National Institute on Drug Abuse (NIDA). D'ailleurs, l'entreprise ne cache pas ses intentions de s'implanter d'ici au printemps prochain sur le vaste marché californien, où la consommation de cannabis est dépénalisée, après avoir frôlé la légalisation fin 2010.
Un objectif que le graphiste Clay Butler, l'un des deux associés à l'origine du projet, assume parfaitement, tout en entretenant l'ambiguïté sur le but recherché. Avec sa tignasse blonde ondulée et son air de vieux surfeur californien, il ne tient pas un discours ouvertement favorable à la légalisation, mais considère que les citoyens devraient avoir "la liberté de choisir" ce qu'ils consomment. D'ailleurs, lui a choisi de ne pas consommer et n'a pas peur de le dire : paradoxe ultime ou cynisme absolu, cet entrepreneur, qui se présente comme un "artiste-commercial", affirme en effet qu'il n'a "jamais bu d'alcool, jamais fumé et encore moins consommé de marijuana de (sa) vie", comme l'écrit ABC News. Plus étonnant encore, il ne boit pas de soda non plus. Son objectif, en réalisant les étiquettes de Canna Cola, était d'offrir un emballage "discret" pour les consommateurs "autorisés", dit-il. Avec, selon lui, une feuille de cannabis moins voyante que sur beaucoup d'autres produits, parce que c'est un "horrible cliché dans cette industrie". Pour la discrétion, on parierait plutôt sur les cookies.
Ce mois ci, l'entreprise américaine Diavolo Brands lance un soda à la marijuana dans les dispensaires du Colorado, où la consommation de cannabis est autorisée à des fins médicales. Si ses concepteurs vantent ses vertus nutritives et analgésiques, le packaging très, voire trop, jeune des canettes laisse toutefois penser que la cible visée serait toute autre... Alors, Canna Cola : véritable alicament ou diversion pour atteindre les ados américains? Le Point a mené l'enquête...