Refusons le filtrage du Net et ses conséquences liberticides !

Publié le 15 février 2011 par Ncadene

Le mois dernier, le Parlement a définitivement approuvé le texte de loi dit « LOPPSI 2« . Parmi la cinquantaine d’articles, j’avais déjà souligné ici la possibilité scandaleuse laissée au seul préfet (sans l’avis du juge) d’expulser toute personne vivant dans un logement susceptible de « comporter de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques », visant ainsi les tentes, caravanes, cabanes, etc.

Cette loi contient d’autre motifs d’inquiétudes : l’interdiction de vente à la sauvette, le fichage, l’identification par empreintes génétiques, le développement excessif de la vidéosurveillance et, à l’heure où l’on voit combien cet outil peut aider dans certains pays à un élan démocratique, l’accès à Internet.

Sur ce dernier point, le texte crée en effet à l’égard des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) une obligation de blocage des sites dont la liste sera dressée secrètement et sans contrôle par l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC).

Aucun encadrement judiciaire n’est prévu. Rappelons pourtant que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009 à l’encontre de la loi Hadopi 1, avait émis une réserve à la légalité constitutionnelle du filtrage : que la « juridiction saisie » ne prononce « que les mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause ». Par ailleurs la Commission européenne a encore rappelé récemment que « les mesures de nature à restreindre la liberté de communication » doivent obligatoirement « être soumis à des garanties procédurales appropriées en conformité avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et avec les principes généraux du droit communautaire, y compris la protection judiciaire effective et le droit à un procès équitable ».

Le prétexte est ici de lutter contre la pédophilie. Mais ces sites sont déjà bien cachés sur des réseaux parallèles, les autorités seront incapables de les détecter. En revanche, le gouvernement ouvre une brèche qu’il pourrait exploiter pour étendre le filtrage à d’autres domaines, moins fédérateurs que la lutte contre la pédopornographie. C’est d’ailleurs entre autres parce qu’elles se savent instrumentalisées à des fins de censure, que des associations contre la pédocriminalité se sont opposées au projet de loi Loppsi (en savoir plus en cliquant ici).

Pour garantir aux internautes de continuer à recevoir et distribuer l’information de leur choix, quelles que soient leurs ressources financières et sans que le flux de l’information ne soit bloqué, dégradé ou favorisé, les députés socialistes proposent d’inscrire le principe de la neutralité du Net dans la loi. Cette proposition de loi bienvenue ne fait pas pour autant du Net une zone de non-droit. Les contenus et les comportements les plus odieux doivent être, là comme ailleurs, fermement combattus. Néanmoins, tout filtrage ou bridage doit être strictement encadré par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et nécessite l’intervention d’un juge indépendant, comme l’a explicitement précisé le Conseil constitutionnel et la Commission européenne et en conformité avec la Convention européenne des droits de l’Homme.

Jean-Louis Bianco & Nicolas Cadène