Plusieurs appels à manifester pour la journée de jeudi 17 février contre le "Guide" libyen Mouammar Kaddafi ont été lancés sur Facebook. Inquiet, cerné par deux révolutions - l'une en Tunisie et l'autre en Égypte -, le régime tente de discréditer la mobilisation en maniant la carotte et le bâton.
Mouammar Kaddafi (d) en Libye, le 23 janvier 2007, avec l'ex-président égyptien Hosni Moubarak. © AFP
Depuis plusieurs semaines, se basant sur les modèles voisins des révolutions tunisienne et égyptienne, des appels à manifester pour ce jeudi 17 février en Libye circulent sur internet. Un groupe Facebook, à l'origine de la mobilisation, regroupe quelque 4 400 membres sous le slogan "Révolte du 17 février 2011 : pour en faire une journée de colère en Libye".
Par ailleurs, un autre groupe de plus de 2 600 membres invite à faire de cette même date "une journée de colère contre la corruption et le népotisme" pour commémorer la mort d'au moins quatorze manifestants à Benghazi (nord-est), le 17 février 2006, quand les forces de l'ordre libyennes avaient violemment réprimé des manifestants ayant attaqué le consulat d'Italie pour protester contre la publication de caricatures de Mahomet.
Loin de faire le dos rond en attendant patiemment que l'orage passe, le pouvoir libyen est extrêmement fébrile. Selon Amnesty International, l'écrivain et opposant Jamal al-Hajji, ancien prisonnier politique, vient de faire les frais de l'inquiétude des autorités libyennes. Il a été arrêté début février à Tripoli par les autorités qui l'accusent d'avoir percuté un homme avec sa voiture. Il "semble avoir été pris pour cible après avoir appelé à des manifestations pacifiques", estime l'ONG, basée à Londres.
"Mouammar, nous nous rapprochons de ta fin"
Quelque 200 personnalités et représentants d'associations de Libyens vivant à l'étranger ont par ailleurs signé une pétition réclamant "le droit du peuple libyen d'exprimer son opinion dans des manifestations pacifiques, sans aucune forme de harcèlement, provocations ou menaces par le système ou ses éléments", et appelant le colonel Kaddafi et sa famille à quitter le pouvoir et à abandonner toutes les autorités et pouvoirs "révolutionnaire, politique, militaire et sécuritaire".
Comme le rappeur Hamada Ben Amor, dit "Le Général", qui avait été arrêté sous Ben Ali pour son titre Président, ton peuple est mort, un autre rappeur, libyen, "Ben Thabet", a publié sur internet des chansons incendiaires contre le régime, appelant les Libyens à la révolte et à s'inspirer de la révolution tunisienne. Une première en Libye. "Mouammar, je jure que nous nous rapprochons de ta fin" ou encore "la richesse que vous avez pillée/les innocents que vous avez tués/les élèves que vous avez abandonnés/vont vous affronter maintenant, vous ne pouvez fuir nulle part", chante-t-il. Une référence à la situation géographique du pays, coincé par deux révolutions populaires en Tunisie et en Égypte, ses voisins directs ? Sans doute.
La position est en tout cas si inconfortable que le régime libyen a tenté de prendre des mesures préventives pour calmer la population – tout en essayant de discréditer les appels à la révolte. Des subventions sur des biens de première nécessité ont été établi et l'accès à des crédits sans intérêts facilité.
"Nous incendierons le monde"
Dimanche soir, en marge d'un prêche de Kaddafi à l'occasion de la fête du mouled (ou maouloud) célébrant la naissance du prophète Mohamed (570 après JC), dans lequel il a encouragé les Palestiniens à "s'inspirer des révoltes du Maghreb", la parole a été donnée à un "représentant des familles des martyrs de Benghazi" pour "renouveler leur allégeance et fidélité" au Guide de la révolution libyenne. "Nous ne permettrons pas aux traîtres et aux vendus de se servir du sang de nos fils", a déclaré l'homme.
Mais le régime libyen sait aussi se faire menaçant. Au premier rang du prêche de Kaddafi, parmi les milliers de partisans ayant assisté au prêche, certains avaient brandi une banderole sur laquelle était écrit : "les peuples s'immolent par le feu pour chasser le régime, tandis que nous incendierons le monde pour que notre leader Mouammar Kadhafi reste". "Rien à voir avec Moubarak ou Zine [El Abidine Ben Ali, NDLR], nous sommes en symbiose avec notre leader", avaient crié d'autres militants. (Avec AFP)