Taxer « les riches » pour aider « les pauvres » est complètement futile. Au contraire : en taxant moins les premiers (les 6% les plus riches au Canada fournisse 30% de l’impôt, après tout), on les incite à épargner davantage, à prêter et à investir, ce qui créera plus d’emplois et de richesse pour tous.
Vraiment ? Un autre rapport du même organisme, sorti exactement deux ans auparavant, montre très clairement que les chefs d’entreprise sont au contraire vulnérables aux récessions.
En effet, en 2009, les 100 chefs d’entreprise les mieux payés au Canada gagnaient en moyenne $10,41M. Par rapport à 2011, c’est donc une diminution de 37% avant inflation. De plus, dans le rapport de 2009, on indiquait que le Canadien moyen gagnait $40.237. En 2011, il gagnait 7% de plus avant inflation. En 2009, les chefs d’entreprises gagnaient donc, en moyenne, 259 fois le salaire moyen, contre seulement 150 aujourd’hui.
Curieusement, dans le dernier rapport, on ne fait aucunement référence aux années précédentes. Pourquoi ? Mystère… Bref, les chefs d’entreprises ont bel et bien été touchés par la récession, et nettement plus durement que le travailleur moyen.
Nonobstant ce léger détail, je me pose une question : quelle est la pertinence d’une telle statistique ? Je n’ai jamais obtenu de réponse satisfaisante à ce sujet, à part de me dire que je suis fou de défendre des salaires aussi indécents. Évidemment, on ne m’a jamais dit à partir de combien commence l’indécence salariale, ni quelle différence de salaire serait satisfaisante.
En fait, la seule « réponse » que j’ai trouvée sur Internet disait que les hauts salaires des dirigeants d’entreprise empêchaient les travailleurs de toucher leur juste part de la richesse ainsi créée. En d’autres mots, si les patrons gagnaient moins (ou étaient imposés plus), les autres travailleurs seraient plus riches.
Égaliser la misère
Est-ce que taxer plus les revenus (et donc, mieux « distribuer » la richesse) est un gage de succès pour une société ?
Avant les réformes économiques de Deng Xiaoping en 1981, à une époque ou l’État contrôlait à peu près tout de l’économie chinoise, le coefficient de Gini (une mesure du degré d’inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée) en Chine était de 0,291, ce qui représente une société relativement égalitaire (voir Banque mondiale, p. 31). Toutefois, le taux de pauvreté dans l’Empire du Milieu (gens qui vivent avec moins de $2/jour) frôlait les 98%. Bref, Winston Churchill avait raison : « Le socialisme, c’est la distribution égale de la misère. »
Une génération plus tard, soit en 2005, le coefficient de Gini a augmenté de 42,6% à 0,415, mais le taux de pauvreté a diminué à 37% de la population. Je me demande ce que les Chinois préfèrent : 1981 ou 2005 ?
La Chine représente un exemple extrême de l’insignifiance du coefficient de Gini. Qu’en est-il du Canada ? En 1981, il se situait après impôts et transferts à 0,348 (voir Statistique Canada, 2008, p. 102-103); il a augmenté à 0,395 en 2005, soit de 13,5%. Toutefois, le taux de faible revenu est resté exactement le même, soit 15,4% de la population (Idem, p. 140-141). Bref, malgré une répartition plus inégale des revenus, la pauvreté est demeurée relativement stable.
Même le Québec, paradis nord-américain des impôts et taxes, n’échappe pas à cette tendance. De 0,345 en 1981, le coefficient de Gini est passé à 0,382 en 2005, soit une augmentation de 10,7%. Malgré tout, le taux de faible revenu a diminué de 18,7 à 17,2%. Au premier coup d’oeil, c’est mieux que l’Ontario : son coefficient de Gini a augmenté de 16,5%, de 0,339 à 0,395, de même que son taux de faible revenu, qui est passé de 9,5 à 10,5%.
Mais en regardant un peu plus, on se rend compte que le Québec n’est pas plus riche. En effet, le revenu disponible moyen (voir Statistique Canada, 2009, p. 139), sur la période mentionnée plus haut, a toujours été inférieur à celui de l’Ontario. En fait, l’écart a même augmenté : de 17% en 1981, il est passé à 22% en 2006.
Créer plutôt que spolier la richesse
En conclusion, et n’en déplaise au CCPA et à Ed Broadbent, taxer « les riches » pour aider « les pauvres » est complètement futile. Au contraire : en taxant moins les premiers (les 6% les plus riches au Canada fournisse 30% de l’impôt, après tout), on les incite à épargner davantage, à prêter et à investir, ce qui créera plus d’emplois et de richesse pour tous.
Article paru dans Le Québécois Libre n° 285 du 15 janvier 2011, reproduit avec la permission de l’auteur.