Chronique publiée chez KINOK
Miguel Arteta voudrait que son film tienne debout grâce à son acteur principal, Michael Cerra. Vous connaissez probablement le bonhomme, c’est l’ado géniteur de Juno, l’ado supergrave de Superbad et le super-ado de Scott Pilgrim. Il est devenu, dans le cinéma américain, l’archétype de l’adolescent qu’on aime bien : loser comme il faut, sensible comme une fillette et opportunément cultivé. Son secret ? Une silhouette fluette, les cheveux d’un Harpo Marx qui serait allé chez le coiffeur et surtout un timbre de voix très spécial, à la fois doux et haut perché. Bref, l’adolescent moyen plus plus, tel que fantasmé par les filles, et donc par les garçons.
Le principe de Be Bad (Youth in revolt en VO) repose sur le travestissement de cette toute récente icône. Nous connaissions le jeune homme résigné et plein d’autodérision : son double Nick Twisp sera un mâle à l’ancienne, un dandy qui fume et qui jure. On imagine que son double et lui sont censés représenter les deux faces de la masculinité moderne. Spontanée, presque efféminée d’un côté – old-school et violente de l’autre. Malgré l’inanité de cet argument principal – nouvelle rêverie vintage comme il s’en fait aujourd’hui tous les jours au cinéma – on pouvait espérer des gags et des développements qu’ils soient au moins dignes d’un teen movie de base. Mais même pas.
Non seulement Be Bad est d’une extraordinaire vacuité, mais tout ce qui est vaguement entrepris, timidement esquissé ou mollement déroulé dans cette longue heure et demie l’est avec un tel manque de conviction qu’on se demande bien vers quoi le réalisateur voulait nous emmener – ou même s’il y avait bien quelqu’un aux commandes.
Mais pour être parfaitement honnête, c’est surtout le jeu en sourdine de Michale Cera qui déteint sur l’ensemble du film, et empêche la comédie de tirer partie de l’idée d’origine, pourtant simplissime. Le tiède dédoublement du jeune homme n’est pas crédible pour un sous et ne fait que tamiser l’ensemble d’un flou très peu artistique. Tout est désamorcé, avec Michael Cera, tout est réduit à un stade puéril. Le moindre rebondissement devient une contine, le moindre plan un gribouillis d’enfant. Qu’on ne s’y trompe pas : la régression n’est pas ici propice à l’émerveillement, elle ne sert qu’à créer de l’informe, de l’immature – de l’amorphe.