Anciennement destiné à Darren Aronofsky, qui a fini par laisser tomber pour réaliser Black Swan, The Fighter a fini par atterrir dans l’escarcelle du réalisateur David O. Russell, qui n’avait pas réalisé de film depuis J’adore Huckabees en 2004. Un réalisateur qui a déjà par le passé prouvé avec Les Rois du Désert qu’il est tout à fait capable de conjuguer exigence scénaristiques et grand spectacle.
The Fighter s’intéresse donc à la carrière du boxeur Micky Ward, issu d’un milieu modeste et dont personne n’attendait grand-chose. Un début de carrière sans coups d’éclat, où le boxeur servait surtout de faire valoir pour permettre à d’autres sportifs de faire grimper leurs stats. Beaucoup de critiques comparent ce film à Rocky, certainement parce qu’il s’agit ici aussi de l’histoire d’un jeune homme venant d’un milieu modeste qui réussit à gravir les échelons de la gloire. Mais mis à part cela, The Fighter n’a finalement que peu de points communs avec le film de Stallone. Car si Rocky est le combat d’un homme seul contre un système pourri (personne ne croit en lui et il doit prouver au monde qu’il est capable d’arriver au sommet), The Fighter est plutôt un film sur la famille. Dans The Fighter, Micky n’est pas considéré comme un loser comme Rocky Balboa, au contraire, il est vu comme un bon boxeur dont la carrière est très mal managée par sa famille. Le titre du film est d’ailleurs à double sens, puisque le combat de Micky n’est pas seulement sur le ring, mais aussi dans sa vie privée. Micky est en effet un homme renfermé, étouffé par une mère castratrice (et soutenue par ses sept filles) et un grand frère comme une légende vivante mais qui n’est plus qu’un loser accro au crack. Du coup le film a une thématique réellement universelle, ce qui le rend d’autant plus touchant, surtout que David O. Russell parsème celui-ci de scènes marquantes, soit très drôles (les « évasions » de Dicky qui saute dans les poubelles lorsque sa mère vient le chercher dans la maison où il se drogue), soit furieusement émouvantes (la scène où Dicky découvre le reportage tourné sur lui par HBO, ou encore lorsque Micky craque et finit par dire à sa mère ce qu’il pense vraiment).
Mark Wahlberg, toujours très à l’aise lorsqu’il doit incarner des personnages renfermés sur eux-mêmes et tiraillés intérieurement, est tout simplement excellent dans le rôle de Micky Ward. L’acteur parvient avec une grande justesse de jeu à faire partager la frustration et le désespoir de son personnage, qui voudrait sortir de l’ombre de son grand frère mais se retrouve soumis aux desiderata d’une mère aimante mais incapable de gérer sa carrière correctement. A ses côtés, Christian Bale épate dans le rôle de Dicky, volubile et gouailleur, au babillage incessant et agaçant. Outre l’impressionnante transformation physique subie par l’acteur (qui ressemble de manière hallucinante au vrai Dicky), c’est surtout la fraîcheur de son interprétation qui devrait certainement lui valoir un oscar. Bale avait en effet plutôt habitué le public à des rôles de personnages taciturnes et durs (Batman begins, Equilibrium, Terminator Renaissance) et commençait légèrement à se reposer sur ses lauriers. Il est donc agréable de le voir recommencer à se mettre en danger. Entre eux, Amy Adams est elle aussi parfaite, à la fois belle et banale, femme à poigne mais aussi demandeuse d’affection.
Au niveau réalisation, David O. Russell se démarque des autres biopics en tournant caméra à l’épaule, dans un style très documentaire. La frontière entre la fiction et le documentaire est d’ailleurs plusieurs fois brouillée puisqu’en début de film, une équipe de tournage suit Dicky pour tourner un reportage sur lui (qui s’avérera au final un reportage sur l’addiction au crack). Les scènes de boxe sont plutôt bien emballée, mais plus proche du style télé que de la maestria des combats de l’excellent Ali de Michael Mann. Au lieu de s’intéresser aux coups portés, Russell se concentre plutôt sur ses personnages, que ce soit dans le public ou sur le ring, où il se place toujours du point de vue de Micky. Mais là où le film se démarque le plus de ses prédécesseurs, c’est dans le fait qu’il s’intéresse aussi à la stratégie des combattants d’un match de boxe. Les scènes les plus intéressantes de ce point de vue (et les plus chargées émotionnellement) sont le dernier combat du film, ainsi que celui de milieu de film, dans lequel Micky se laisse volontairement battre pour fatiguer son adversaire et ensuite le mettre KO au dernier round. Une idée rarement exploitée au cinéma, mais qui rend le film d’autant plus passionnant et les combats impressionnants.
The Fighter est au final un excellent biopic, et un très bon film de boxe, peut-être même meilleur que Rocky. Porté par un casting parfait et crédible, une réalisation virtuose et une bande-son magique (que des standards du rock), le film de David O. Russell se classe d’emblée parmi les meilleurs films de l’année. Et on est juste en février…
Note : 9/10
USA, 2010
Réalisation : David O. Russell
Scénario: Scott Silver, Paul Tamasy, Eric Johnson
Avec: Mark Wahlberg, Christian Bale, Amy Adams, Melissa Leo