DE LA PRIÈRE
Tu me demandes comment prier quelqu’un qui n’est pas.
Je sais que la prière construit un pont de velours
En le traversant on voltige comme sur un tremplin
Au-dessus de paysages couleur d’or mûr
Transfigurés par l’arrêt du soleil.
Ce pont conduit vers la rive du Retournement
Où tout est à rebours et la parole « est »
Découvre son sens à peine pressenti.
Tu remarqueras que je dis « on ». Chacun, séparément,
A pitié des autres, prisonniers du corps
Et sait que s’il n’y avait d’autre rivage
Il aurait pris ce pont au-dessus de la terre.
(Czeslaw Milosz)