par Laurent COURCOL, lecteur
12.02.11
2'œuvre d'art est écrite avec du sang.
Il n'est pas d'œuvre littéraire dont la plume n'ait été trempée dans le sang. Toute autre création n'est qu'une vanité, une chose fabriquée et non créée. Il n'est pas d'artiste ou de créateur, pas d'art ni de création sans chair, sang, souffrance, sans un appel aux ressources profondes de l'artiste. Jusque dans la plus grande fiction, le créateur puise dans les profondeurs de son être, quel qu'en soit le prix.
Celui écrit, peint, sculpte, interprète ou compose sans y mettre sa vie, sans y risquer quelque chose de lui-même n'est qu'un faiseur, un fabricant. Il est l'ami des procédés, de l'emprunt et de la copie. Il est condamné à la répétition et à l'imposture. Qu'il se coule dans le sens de l'opinion ou qu'au contraire il provoque sciemment le scandale, s'il ne puisse pas son œuvre au plus profond de lui-même, il n'est qu'un trublion et il ne fait que prendre des postures. L'apparent risque qu'il prend pour sa réputation n'est qu'une tartufferie. Sa posture est imposture. Son talent est dépensé en vain et son art est inutile.
Celui qui au contraire se jette tout entier dans sa création, qui peine, qui doute, jette et refait, que son travail met en danger et qui refuse toute concession, celui-là seul a une chance d'accoucher d'une œuvre. Il n'y pas d'œuvre authentique, puisque l'authenticité en est l'essence même, il y a des œuvres ou rien.
3. L'œuvre d'art est totale.
L'œuvre d'art se suffit à elle-même. Elle porte en elle-même son sens, sa justification, sa finalité, son accomplissement. Tout auteur qui vient défendre son œuvre est un imposteur. Une œuvre se défend seule.
À quoi sert à un auteur de défendre son œuvre ? S'il déclare : « dans cette œuvre, j'ai voulu dire ceci, j'ai voulu dire cela », c'est une stupidité : s'il a voulu dire ceci ou cela, que ne l'a-t-il exprimé dans son œuvre ? Si elle l'exprime, qu'a-t-il besoin de le redire ? L'œuvre suffit. Un ouvrage qui a besoin d'explications ou de justifications est inabouti. Il est simplement raté. Ce n'est pas une œuvre, juste un travail médiocre, une ébauche, un essai ou une étude. Toute personne a le droit de s'exprimer sur l'œuvre, à l'exception de son créateur. Les critiques et le public – tout ignares qu'ils puissent être — peuvent critiquer, commenter, déformer, expliquer, débattre, aimer ou détester l'œuvre. Seul l'auteur n'a aucun de ces droits. Rien n'est plus vain et plus pathétique que ces auteurs qui se poussent en avant – ou pire, que l'on pousse en avant – pour faire la promotion de leur production. Le ridicule le dispute à la prétention, la flatterie au commerce, le bavardage à l'insignifiance.
Lire la suite : http://abonnes.lemonde.fr/idees/chronique/2011/02/13/qu-est-ce-qu-une-uvre_1478977_3232.html