C’est à croire que TF1, en précurseur du genre, a voulu appliquer les recettes de la
« télé réalité » au show de Nicolas Sarkozy. Questions préparées d’avance, acteurs-citoyens triés sur le volet, journaliste-animateur potiche : direct mis a part, tous les ingrédients
étaient réunis pour transformer « Paroles de Français » en un « Le président-parle-aux-Français-en-faisant-semblant-de-les-écouter ». Un des ces Français représentatifs a vendu la mèche le
lendemain, confirmant ce que chacun savait déjà : au dernier moment, « on » leur a demandé de changer le sujet de leurs questions. Grogne de magistrats oblige, il fallait parler sécurité. Au
diable les vraies préoccupations de nos concitoyens, ils n’étaient convoqués là que comme prétexte.
Rien d’étonnant, bien entendu, que ce soit TF1 qui se prête à ce jeu de dupes. Mais si les reality-shows nous trouvent en général plus dégoutés
qu’inquiets, cette sinistre parodie de démocratie, laisse, une fois de plus, un goût amer. Encore le président de la République a-t-il pris le soin de ne pas faire, comme l’an passé, à chacun des
participants, des promesses personnelles qu’il n’a pas eu, ensuite, la délicatesse de tenir.
Au moment où la parole se libère de l’autre côté de la Méditerranée, on ne peut qu’être effaré par cette mascarade, qui, sous l’emballage grossier de la
démocratie directe, confisque la démocratie tout court.
L’humoriste Anne Roumanoff, citée par Jean-Pierre Sueur, a parfaitement résumé le bilan de cette soirée télévisuelle : « Anne Roumanoff, explique le sénateur socialiste, a regardé Nicolas Sarkozy
jeudi soir et a zappé avec les chaînes qui présentaient les foules d'Egypte. Elle en a conclu que le premier "racontait des histoires" cependant que les secondes "faisaient
l'histoire" ».