Décidément chez Daptone Records (ici Dunham Records, sous filiale de Daptone), la tendance est résolument rétro. Après l’excellent album de Sharon Jones & The Dap-Kings paru l’année dernière, c’est au tour d’un chanteur de 63 ans encore inconnu, d’émerveiller nos oreilles de sa soul torturée et étincelante.
The hard life
Découvert par Gabe Roth, connu pour être l’un des fondateurs de Daptone Records, Charles Bradley est ce qu’on pourrait appeler un chanteur « sur-le-tard ». A l’instar de Sharon Jones, la vie de ce soulman n’aura pas été de tout repos. Entre misérables boulots à la petite semaine (notamment aux sein du Job Corps) en Alaska, Californie et Canada et l’assassinat de son frère, son existence possédait tous les symptômes d’un échec social. Malgré tout, Bradley saura rebondir en assouvissant sa passion pour la soul, exutoire musical qui le pousse à chanter lors de quelques soirées sans gloire mais où déjà il fait sensation. Lorsqu’il est repéré par Daptone, Thomas Brenneck fondateur de Dunham Records et membre du Budos Band et des Dap Kings, le prend aussitôt sous son aile afin de lui confectionner un grain musical sur-mesure. Charles Bradley renaît.
La révélation
Après une série de singles enregistrés avec les Bullets et Sugarman & Co entre 2002 et 2006, Charles Bradley s’acoquine très vite avec le Menahan Street Band en compagnie duquel il compose quelques titres dont l’éclatant « The World (Is Going Up In Flames) » emprunt d’une nostalgie rafraichissante. Grâce aux arrangements de Brenneck et à la section rythmique du Menahan Street Band, Charles Bradley s’apprête à marquer au fer rouge la scène soul actuelle avec un No Time For Dreaming d’une rare intensité.
Visage buriné, voix délicieusement éraillée qui rappelle à la fois l’engagement d’un James Brown et le grain d’Otis Clay, Bradley est un peu le reflet de sa propre existence. Habité par une soul poignante de sincérité et un goût prononcé pour le « screaming », notre chanteur dispose d’une palette expressive multicolore susceptible d’épouser la moindre nuance. Des balades feutrées comme « Lovin’ You, Baby », « In You (I Found A Love) » jusqu’aux complaintes douloureusement communicatives (« Heartaches And Pain », « Why Is It So Hard ? »), la prestation est à couper le souffle. De son côté, le travail du band orchestral confère à l’album une teinte éminemment classieuse, évoquant à l’occasion les arrangements subtils qui ont fait les beaux jours de Stax. Plus qu’un simple revival jouant carte de la nostalgie, No Time For Dreaming est une oeuvre majeure qui fera date.
Chronique publiée pour NeoBoto.com