ETATS-UNIS
Editions du Masque, 2011
J'avais découvert Ron Rash il y a un an avec sa première traduction française, Un pieds au paradis : un pur roman américain de facture faulknérienne sur la faute originelle et la culpabilité.
Ron Rash "récidive" avec le magistral Serena ; amateurs d' âmes fortes féminines, d'"antihéroïnes" sans foi ni loi, ce roman est pour vous !
Nous sommes dans les années 30, en Caroline du Nord, en pleine crise économique. Pemberton et sa jeune femme Serena débarquent dans cette région reculée, où la forêt, la faune et la flore règnent en maîtres. Qu'à cela ne tienne, le couple infernal a décidé d'exploiter ce territoire vierge en y installant une vaste scierie. Alors que le travail manque, une armée de bûcherons se précipite pour obtenir une embauche.
A mesure de la déforestation sauvage, des voix s'élèvent pour obtenir la création d'un parc national. Le couple va entreprendre moult activités illégales pour éviter la création de ce parc.
A partir de ce moment, c'est la loi du plus fort qui règne ; d'autant plus que Serena, stérile après une fausse couche, voue une haine féroce au jeune fils de Pemberton, qu'il a eu avec une fille de ferme juste avant son mariage.
La chasse à l'homme commence...
Ce magnifique récit psychologique prend alors soudain des allures de thriller...Nous sommes dans un monde d'avant ou au delà des lois. Serena et secondairement Pemberton, incarnent la capitalisme sauvage qui ignore les limites de l'homme et de la nature ; ce n'est pas un hasard si les métaphores animales abondent et que le thème de la chasse est primordial.
A côté de ce couple infernal, il y a l'aigle mais aussi le puma, figure fantômatique, qui finira par apparaître subrepticement.
L'homme se fait progressivement animal pour entreprendre une lutte contre les plus faibles et les plus fragiles...
La figure de Serena arrive bien sûr au premier plan ; sur son cheval, tenant son aigle dans sa main, elle apparaît telle une créature mythologique ou fantastique. Figure démoniaque par excellence, avec son fidèle serviteur manchot, elle teste la force de chacun, même des plus proches. Poison, couteau, fusil, tout est bon pour affirmer son pouvoir.
Certains critiques évoquent Lady Macbeth ; je trouve que c'est un peu exagéré !
Serena est juste elle-même. On peut évoquer par contre sans doute, l'unfluence de la tragédie grecque : en effet, les bûcherons, qui commentent chaque scène, constituent une sorte de choeur antique. Au centre, une histoire de sperme et de sang ; deux femmes, un homme, un enfant. Jalousies, vengeances. La lutte est sans merci.
Bravo à Ron Rash pour cette oeuvre d'un lyrisme époustouflant (citons les magnifiques descriptions des paysages, de la faune et de la flore) où les passions sont exacerbées. Un roman qui nous remue.