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Black Swan, la danse de la souffrance

Par Tred @limpossibleblog
Qu’est-ce qui fait un grand film ? Le plaisir que l’on a à le regarder ? Le bien-être qu’il nous procure ? La perfection technique qu’il déploie ? L’émotion qu’il dégage, ou qu’il nous fait ressentir ? Tout cela à la fois ? C’est possible. Cela peut être cela. Cela peut aussi être tout autre chose. Black Swan est-il un grand film ? Je ne sais pas. Je sais le mal-être que j’ai ressenti à le regarder. Le malaise dans lequel il m’a plongé tout du long.
Black Swan, la danse de la souffranceJe sais que je n’ai pas aimé le personnage principal, Nina Sayers, cette jeune danseuse qui se voit offrir le rôle principal du Lac des Cygnes que sa troupe va jouer dans quelques semaines. Elle se trouve sous le feu des projecteurs et se demande si les autres danseuses, une en particulier, ne jalousent pas la confiance que lui a accordée Thomas Leroy, le chorégraphe. Je n’ai pas aimé Nina Sayers. Non, c’est faux. Je n’ai pas ressenti d’empathie pour Nina Sayers, ce qui est différent. Je n’ai en fait ressenti d’empathie pour aucun des personnages de Black Swan. Habituellement, c’est assez rédhibitoire dans mon appréciation d’un film (hum… Arnaud Desplechin… hum…).
Le malaise est donc parti de ces personnages. Il ne s’est pas arrêté là. Il s’est ensuite engouffré dans l’atmosphère. Ce New York sombre, glauque, déprimant. Cette déglamourisation total d’un univers qu’il serait si facile de présenter dans la lumière. Mais la lumière, dans Black Swan, n’est là que pour mettre en valeur la noirceur. Sans lumière, pas d’ombre, et c’est l’ombre qui intéresse Darren Aronofsky. Elle l’a toujours intéressée, de Requiem for a dream à The Wrestler, pour s’y complaire ou pour en sortir.
Ici, la noirceur passe par l’obsession. L’obsession de la perfection qui engendre la souffrance physique. Cette souffrance, je l’ai vécue en tant que spectateur. Aronofsky nous plonge dans la peau de Nina. Je ne suis pas parvenu à éprouver de l’empathie pour elle, pourtant je ne voyais qu’elle. Elle habite le film, son obsession donne son pouls à Black Swan. Natalie Portman, future Oscar de la Meilleure Actrice pour ce rôle, dévore le personnage et le film. La frêle jeune femme livre une performance phénoménale. Sous nos yeux sa Nina tremble et gémit, elle danse et virevolte, elle se consume autant qu’elle explose.
Black Swan, la danse de la souffranceMais il ne s’agit pas là que d’une « performance ». Black Swan n’est pas un film qui procure du plaisir ou du bien-être comme le peuvent d’autres. Les douleurs à l’écran deviennent nos douleurs. La peur à l’écran devient notre peur. Mais là où d’autres films dégouteraient d’une telle pression psychologique et d’une telle douleur, Black Swan déploie une virtuosité. Une virtuosité qui se fait passion. L’attention est aspirée dans la douleur et le malaise. « Le lac des cygnes » résonne et de la tourmente nait l’obsession.
Je n’ai pas pris de plaisir à regarder Black Swan. J’ai souffert. Je me suis tortillé sur mon siège face aux affres de cette héroïne que je n’aimais pas mais qui me fascinait. Mais derrière la souffrance a peu à peu grandi la puissance, jusqu’à une incandescence d’émotions. Je n’ai pas pris de plaisir à regarder Black Swan. Il ne m’a pas fait ressentir de bien-être. Mais il m’a accroché, scotché, fasciné. Il m’a pris à bras le corps et m’a emporté dans les tréfonds de la noirceur humaine, où la lumière est si faible qu’elle éclate d’une blancheur éblouissante. Black Swan est-il un grand film ? Bien sûr.

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