Il raconte de manière bouleversante comment « l’ange hypnovel » en quelques heures nocturnes lui vole l’homme de sa vie.
Elle ne cesse depuis quelques semaines de suivre partout dans les espaces de soins divers l’amant atteint d’un cancer foudroyant.
Veilleuse infinie... témoin de tous les instants... épouse amante...
car le corps à corps est là, possible encore.....
.........
mes seins mes mains
paumes doigts mes mains ta tête
tes épaules
si frêles devenues mes mains mes seins
........
ta voix ta tête
comme tombée
ta tête
mes seins mes mains
........
Elle est tout cela à la fois- vigilante- éperdue- jusqu’à ce soir là où, elle ne comprend
toujours pas pourquoi elle baisse la garde, cède à l’épuisement, à l’assurance enchantée
de l’ange hypnovel, devenu soudain, le seul maître de l’apaisement possible de la douleur.
Etrangeté de cette expérience intime, qui dit la force et l’humilité d’un accompagnement ultime.
Evidemment indicible mais Françoise Clédat grâce à une véritable scénographie du texte nous dit la violence complexe de la disparition définitive :
préface relatant la posture de l’équipe médicale
posologie de l’hypnovel
puis la prose et poésie mêlées
et la longue presque postface qui se clôt presque ainsi:
........
Ceci est un poème
n’est pas un poème
n’est pas un réquisitoire
n’est pas un procès
.......
L’ange Hypnovel a « dragué »au même moment l’un et l’autre, séparant les amants pour toujours : lui sous la tutelle du produit, elle imaginant l’apaisement de sa douleur au point de perdre sa vigilance.
Expérience limite donc démesure à narrer ; mais la maîtrise extrême de la langue qu’elle fabrique depuis toujours permet à Françoise Clédat de se tenir encore ici, à l’épaule du verbe pour dire mieux que personne :
l’indicible , l’incertitude, les degrés de la souffrance, le corps peu à peu torturé et la tragédie de la nuit/hypnovel.
Le séquençage du texte est au diapason de ce qu’ils vivent ensemble aujourd’hui mais aussi de toute leur histoire en train de se perdre.
..........
Près de toi à côté de toi
Près de moi à côté de moi
.......
Elle le raconte magnifiquement.
Elle puise dans les formats divers de l’écriture
(prose)(poème(posologie))(essai)( méditation)(citation)
........
« L’auriez –vous bercé dans vos bras madame, vous n’auriez pas calmé sa douleur »
..........
sédatif mon amour tu veux
oui
oui ta voix
absolu
résiste au poème
dont je fais
poème
..........
L’épouse/amante/poète/se tient là dans tous les champs/chants possibles du récit.
Elle nous propose de savoir les arpenter.
.........
Je n’ai pas mon corps l’ange de ta mort
avoir été
je n’ai pas mon corps ta mort l’avoir été
........
Oui ce texte est un lieu/lien tragique et mystérieux que nous traversons avec une émotion extrême.
Fanny Gondran