Bien le bonjour
Tiens, on va te causer d’un drame. Un vrai, en béton armé, personnel et dramatique (ce qui est la moindre des choses pour un drame, notez).
Il ne faut plus manger de lapin.
En tout cas pas de lapin que t’as pas connu personnellement de son vivant. Que t’as pas vu gambader dans le gazon en tenue d’Adam velu. Et faire chlika chlika avec Mme Lapine un soir de St Valentin.
Car quasi tous les lapins qui se pavanent sur les étals ont été élevés à la concentrationnaire, dans des cages à ce point exiguës qu’en comparaison les geôles birmanes ressemblent à la suite royale au Negresco. Ne causons pas même de l’ordinaire alimentaire de ces pauvres bestioles. Désastreux.
Et comme sous nos cieux, nul label ne certifie pour l’heure un cursus aimable (en tout cas pas à notre connaissance), nous voilà obligés:
- D’élever nos propres lapins (ce qui est inconfortable quand on vit soi-même dans un clapier).
- D’exiger du volailler le CV circonstancié de l’animal convoité (ce qui est hasardeux; le brave homme s’en tamponnant généralement la gibelotte).
- De ne plus manger de lapin (ce qui est déchirant).
- De manger du lapin carcéral en culpabilisant comme un fou (ce qui est déchirant aussi).
Notre conseil: débrouillez-vous.
Car voilà justement un râble farci aux épinards, citron, ricotta et pignons, qui est plus bon que bon, voire plus encore si entente.
Demandez au boucher de désosser le râble de façon radicale, jusqu’à obtention de deux escalopes.
Attrapez une bonne grosse poignée de pousses d’épinard (gaffe: ça réduit un max). Lavez à grande eau. Ôtez les tiges. Hachez. Dans une poêle, faites fondre une gousse d’ail hachée dans une cuillère d’huile d’olive. Ajoutez les épinards. Shakez quelques minutes. Assaisonnez. Réservez.
Rôtissez quelques pignons sans matière grasse à la poêle.
Zestez un citron vert.
Puis touillez épinards, zestes, pignons dans deux cuillères à soupe de ricotta. Ajoutez une lichette d’huile d’olive et une pincée de piment. Assaisonnez. Goûtez. Réfléchissez bien: si la saveur vous semble top affriolante, c’est bon.
Sinon, non.
Etalez les deux parties du râble, en les chevauchant un tantinet. Tartinez de farce. Roulez gentiment. Ficelez. Assaisonnez. Colorez quelques minutes le râble sur le gaz.
Puis enfermez la bête dans du papier alu façon papillote. Et hop, au four, à 180°, pour une demi-heure.
Découpez enfin en mignons tronçons.
Puis débouchez le très croquant, vibrant et charmant « Mauvais Temps » de Nicolas Carmarans; un rouge naturel venu de l’Aveyron avec la ferme intention de nous ensoleiller la goulette. Mission accomplie. Oui, c’est un coup de cœur, ce jus-là. Parfaitement.
Tchou!