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Berlin – Le Caire : laisser une place pour l’optimisme

Publié le 14 février 2011 par Lomig

Les départs en quelques semaines de Ben Ali et de Moubarak font penser bien sûr à l’effondrement des pouvoirs communistes en 1989. Le mouvement berlinois pourrait-il être le frère aîné de la révolte des cairotes ?
Notre façon de réfléchir par analogies, explique cette question tout autant que l’interrogation quant au modèle iranien à l’œuvre dans les évolutions du monde arabe. Et puis il faut bien tenter de deviner l’avenir ; quelle que soit la difficulté de l’entreprise. Si l’on reprend l’analogie avec la situation des pays de l’est fin des années 80, il faut noter quelques similitudes réelles :

  • Impossibilité de mettre en place des forces d’opposition capables d’exprimer les mécontentements, omniprésence de l’armée, prévarication des chefs politiques autoproclamés ou cooptés, système de corruption généralisée au profit de la multitude des petits acteurs quotidiens des puissances au pouvoir, loi du silence.
  • Rôle central des communications « libres » : les radios américaines et européennes par-dessus le mur, et l’internet aujourd’hui.
  • Effondrement sur le style « dominos », un pays entraînant le suivant.
  • Idéologie dominante fondée sur la soumission des individus à un parti : dans les régimes de l’Europe de l’est c’est le communisme qui était l’idéologie porteuse de ces règles depuis des décennies ; dans le monde arabe c’est l’islam qui joue ce rôle depuis des siècles.
  • La présence de « grands frères », russe et chinois d’un coté, saoudien et iranien, de l’autre, eux-mêmes concurrent pour la maîtrise des assujettis.

Mais il faut aussi noter quelques différences importantes :

  • En Europe de l’est la présence et la proximité du grand frère russe, lui-même atteint de « glanost et perestroïka », retrouvant ses bases anciennes de culture européenne, a facilité la chute des dictatures communistes. On attend toujours la fin des partis communistes chinois ou coréen, voire vietnamien. Pour le monde arabe, le grand frère saoudien n’a pas fait preuve jusqu’à ce jour de velléités de libéralisation. Tout au moins publiquement. Dans ces conditions il semble illusoire de rêver que les mouvements de démocratisation des pays arabes puissent bénéficier de l’onction du gardien des lieux sacrés pour qui la notion même de démocratie est un gros mot.
  • Le communisme était antireligieux (opium du peuple) alors que l’islam assume tout à la fois la prétention religieuse et la dimension politique de la gestion des peuples.
  • Tous les commentateurs reconnaissent avoir été surpris par la révolte égyptienne : les masses arabes seraient tellement soumises par l’islam insinué au plus profond des gestes quotidiens d’allégeance des plus faibles au plus forts, qu’il leur serait impossible de vivre une révolte, construite, définitive, laïque…A l’évidence, la liberté sera plus difficile à faire prévaloir après 14 siècles d’islam qu’après les 70 ans de communisme européen.

Bien d’autres similitudes et différences pourraient être relevées dans une comparaison documentée de ces mouvements de libération. Par contre il est facile d’observer que dans les deux situations, c’est le peuple, les gens de tous les jours, qui ont pris un risque, qui ont osé ce qu’ils n’auraient jamais imaginé une semaine plus tôt. Il faut saluer ce surgissement, et sans renoncer à notre lucidité, soutenir cette caractéristique humaine de créer du bonheur, de relancer l’espoir, d’ouvrir des espaces d’optimisme. Du vieux slogan qui proposait à tous les opprimés de s’unir, il faut arriver aujourd’hui à unir tous ceux qui se savent libres pour qu’ils aident ceux qui veulent le devenir.

Article paru sur Expression Libre, membre du Reseau LHC.


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