Je ne suis pas un spécialiste de la loi. Mais j'ai toujours cru que pour pouvoir être accusé de meurtre il fallait trouver un corps.
Un cadavre.
Un mort.
Un os.
Du DNA.
Alain Perreault, une étrange créature qui aurait avoué, suite à un habile scénario d'agents d'infilitration de la police de Québec, avoir tué Lyne Massicotte et avoir disposé du corps près du fleuve Saint-Laurent, vient d'être trouvé coupable de meurtre.
Perreault était le dernier homme a avoir vu vivante Lyne Massicotte après un blind date qui avait pris son origine sur l'internet en juillet 2003. Ils se sont rencontrés chez Perreault, on fumé du pot et la suite reste floue.
Massicotte n'a plus jamais été revue. On a retrouvé sa voiture dans le Vieux-Québec, les portières dévérouillées.
Convaincues qu'il était à l'origine de la disparition de Massicotte depuis le début et afin de le forcer à avouer son crime, les autorités policières ont procédé à l'élaboration de 41 scénarios visant à obtenir ses confidences. L'opération «Mister Big» visait à amener Alain Perreault à se mettre à table. La stratégie de l'opération consistait à lui faire croire qu'une organisation criminelle souhaitait le recruter.
Un agent d'infiltration a été présent dans 39 des 41 scénarios concoctés pour pincer l'individu aujourd'hui trouvé coupable de meurtre prémédité. Son objectif consistait à véhiculer les valeurs de la fausse organisation criminelle: honnêteté, loyauté et confiance. On voulait amener Perreault à relater avec sincérité ce qui était arrivé à Lyne Massicotte lorsqu'on le lui demanderait.
Un moment important de cette opération fût le 16 décembre 2009. L'agent s'est adjoint les services de Perreault pour aller visiter "une patronne d'agence d'escortes" qui lui "devait des sous". La femme leur dit toutefois qu'elle s'est fait voler par l'une de ses filles, qui se trouvait à ce moment dans un motel de Laval. Les deux hommes s'y rendent, mais seul l'agent va "régler le cas" de la "voleuse". Lorsqu'il sort de la chambre, il a du sang sur les mains. «Si ça n'avait été que moi, je l'aurais jetée dans le fleuve!» lance-t-il à Perreault. Celui-ci lui dira par la suite qu'il aurait souhaité la battre lui-même. Comme l'agent s'est "bléssé" en "battant" celle qui lui "devait de l'argent", Perreault le conseille même sur la manière de battre une femme adéquatement. En l'étranglant.
Il ajoute que, si un jour il est chargé de corriger une prostituée de cette façon, il devra se contrôler, car il y a longtemps qu'il se retient et qu'il pourrait aller trop loin.
Le scénario visait à démontrer à Perreault que l'agent n'était nullement gêné par la violence faite aux femmes. Et qui sait, peut-être aussi pour faire dire à Perreault que "Moi aussi j'ai déjà jeté une femme dans le fleuve".
L'opération d'infiltration a duré trois mois et demi. Perreault aurait raconté à l'agent ne plus avoir d'émotions. Il disait être capable de marcher à travers la scène d'un accident ayant fait plusieurs morts avec comme seule préoccupation de ne pas salir ses souliers. Il a aussi confié à l'agent qu'il n'aurait aucun problème à faire «sauter» quelqu'un. Perreault lui aurait aussi expliqué que pour lui, les femmes étaient toutes les mêmes, soient des profiteuses qui ne veulent qu'abaisser les hommes.
Croyant en ses chances d'améliorer sa position dans la fausse organisation criminelle, Perreault disait se sentir comme un enfant dans un Toy's R Us. Quand il rencontre finalement le "grand boss" de la fausse organisation criminelle à Trois-Rivières, il dira "C'était comme un pee-wee qui rencontre Mario Lemieux".
Cette rencontre de janvier 2010 avec le grand "Pete", chef de la fausse organisation, a été à moitié réussie par les agents d'infiltration.
Pete demande à Perreault d'avouer un crime si il veut gagner des galons. C'est là qu'il avouera avoir tué Massicotte. Pete est satisfait, l'agent d'infiltration caché dans ce rôle et qui vient d'enregistrer les aveux encore plus. Pete lui demande maintenant de faire "un grand nettoyage" afin de ne laisser aucune trace de son meurtre. Ceci avait pour but d'être guidé par Perreault au cadavre. Toutefois Perreault rencontre Pete, seul à seul.
Les autres agents d'infiltration, dont le régulier qui a amené Perreault au "chef Pete", sont dans une voiture et attendent Perreault. Quand celui-ci revient dans la voiture, il leur dit que c'est à Lévis qu'il faut procéder au «nettoyage».
Les agents décident alors d'aller acheter des pics, des pelles, des cagoules, des gants, des tuques. Or, ils n'avaient pas assisté à l'entretien entre Perreault et le patron. Théoriquement, ils ne devaient donc pas savoir de quel matériel ils allaient avoir besoin. Si près du but, Perreault semble alors avoir deviné qu'il fraye avec des policiers undercover. Il est moins bavard que d'habitude, songeur et peu disposé à les aider. Il se rendent quand même sur la Rive-Sud avec eux mais est flou, indéçis et ils ne trouveront jamais le lieu du "nettoyage" en question. Il cesse de collaborer et envoie même chier ceux qu'il admirait quelques instants plus tôt.
La filature est bousillée, ce sera le dernier contact entre les agents d'infiltration de la police et Alain Perreault.
La confession de Perreault est sur vidéo prise à même l'Hôtel où il a rencontré "Pete".
Perreault a prétendu depuis le début du procès qu'il a fait les aveux sous la pression, que c'était un mensonge pour paraitre cool auprès de l'organisation et gagner ses galons.
Le corps de Lyne Massicotte, apparemment laissé en bordure du fleuve Saint-Laurent sur un terrain d'Hydro-Québec, n'a jamais été retrouvé.
Pas que je veuille défendre l'étrange Alain Perreault. Lyne Massicotte n'a jamais été revue depuis le jour où ils se sont rencontrés tous les deux.
Ça sent le roussi c'est sur.
Mais j'ai toujours quand même cru qu'il fallait avoir un cadavre pour parler de meurtre.
Cette opération digne d'un film devait être extrêmement difficile pour les agents impliqués.
Un film qui a trouvé une fin "heureuse" vendredi dernier.
(Excès de guillemets, je sais...)