Mesdames, messieurs, cher public immérité,
j'ai reçu, ces derniers jours, une quantité impressionnante de mails de certains d'entre vous, abasourdis par mes aveux, désorientés, mais cependant concordant sur un point : ils me demandaient « y'a-t-il moyen de revenir en arrière ? Ne pouvez-vous pas ressusciter Francis ? On fait comme si tout ça ne s'était pas passé ? On dit que c'était une blague premier degré pourrie pour célébrer la journée du premier degré, et vous revenez à des nouvelles passionnantes du Sénégal, parce que là, ça fait un moment que vous n'en parlez pas ? »
J'en ai pris acte. J'ai bien réfléchi, et je me suis dit que je ne pouvais pas abandonner ainsi des lecteurs en détresse. C'est pourquoi je vais revenir sous mon nom de plume*, bien que je ne puisse promettre des mises à jour régulières. En effet, j'ai le plaisir de vous annoncer que j'ai eu une longue discussion avec Jeanine, et que nous avons décidé de tenter de sauver notre couple par des sorties plus régulières au théâtre de Vierzon, et que nous nous sommes inscrits à un cours de claquettes.
C'est pourquoi, bien que j'aimerais pouvoir vous donner des nouvelles du Sénégal, cela risque de m'être difficile. Cependant, pour aujourd'hui, je vous transmets la dernière nouvelle de Dakar telle que me l'a envoyée mon informateur, qui aurait souhaité couvrir plutôt le Forum Social Mondial, mais a été refoulé par le service d'ordre et s'est rabattu sur une nouvelle ignominieusement ignorée des grands médias malgré les dégâts psychologiques qu'elle ne manquera d'occasionner.
Merci de votre compréhension.
Votre dévoué,
Antoine-Louis. (Jeanine vous transmet ses amitiés).
Voici maintenant l'article de notre reporter, comiquement et par une coincidence inouïe, prénommé Francis (et barbu).
C'est à une crise sans précédent que doit aujourd'hui faire face la petite communauté brassicophage dakaroise, qui se voit confrontée à une pénurie de choucroute sans précédent dans l'histoire récente.
Ce sont pas moins de deux restaurants et plusieurs dizaines d'amateurs qui voient aujourd'hui leur soirée-choucroute tant attendue se transformer en triste soirée-chou braisé en raison de ce dramatique événement.
Selon Mme L., charcutière de son état, et à ce titre parmi les premières victimes collatérales (car qui dit pas de choucroute, dit pas de vente de saucisse), cette situation serait due à des containers retenus en douane, pour une raison encore inconnue de nos services.
Cette pénurie est la manifestation la plus récente des difficultés que rencontrent les amateurs de choucroute : en effet, toujours selon Mme L., les premières tentatives d'import de chou fermenté frais se sont heurtées à la muraille de la date de péremption, toujours dépassée lors du transport par bateau. Les choucrouteux, cependant, ne se laissèrent pas abattre, et firent venir de la choucroute mi-cuite, aux qualités de conservation supérieures. Aujourd'hui, un nouvel obstacle se dresse entre eux et leur délicieux dîner. Gageons qu'ils sauront répondre à ce nouveau défi avec l'ingéniosité et l'enthousiasme dont ils ont su faire preuve jusqu'ici.
*en français dans le texte