Au lendemain d’un spectacle de théâtre, j’aime bien retrouver dans le texte certains moments bien joués sur la scène... J’ai donc ouvert mon Marivaux et cherché un passage savoureux dans lequel Mme Argante s’emportait contre la manie de la comédie. Comme j’avais monté la pièce au lycée à l’époque qui précédait celle de l’atelier, je me souvenais assez bien de l’ensemble mais pas de ce passage pourtant haut en couleurs. Et pour cause... Le metteur en scène l’a rajouté. J’en ai eu confirmation par la Coursive qui a eu la gentillesse de m’envoyer ces éléments d’explication :
Effectivement ces textes sont tirés des échanges entre Rousseau et d'Alembert
« Lettre à d’Alembert sur les spectacles » et « Lettre à Rousseau » On trouve la première trace des Acteurs de bonne foi dans le salon de Mlle Quinault, une « ex » de la Comédie Française, dite Quinault Cadette, en 1748. Sous quelle forme ? On ne sait : lecture par Marivaux, ou jeu de salon ? Marivaux fit publier son texte dans une revue amie en 1757, en plein cœur de la querelle à propos du théâtre, entre Rousseau et d’Alembert. Dans son article « Genève » de l’Encyclopédie, d’Alembert proposait aux austères protestants genevois d’introduire dans leur cité un peu de fantaisie en y fondant un théâtre. Il y faisait tout son possible pour donner ses lettres de noblesse (ou plutôt de morale) à ce divertissement. Rousseau, déjà échauffé contre Diderot et ses amis, retrouva son patriotisme genevois pour réfuter avec ampleur et ferveur les arguments du parisien, dans sa longue « Lettre à d’Alembert sur les spectacles », lettre à laquelle d’Alembert répondra à son tour dans une « Lettre à Rousseau ». Au milieu de ce grand bruit, Marivaux publie discrètement ses Acteurs de bonne foi, ce qui sera d’ailleurs sa dernière pièce : une façon d’ajouter un grain de sel tout à fait personnel à la grande querelle ?
L’on croit s’assembler au théâtre, et c’est là que chacun s’isole; c’est là qu’on va oublier ses amis, ses voisins, ses proches, pour s’intéresser à des fables ou rire aux dépends des vivants.
Jean-Jacques Rousseau