Après Ben Ali, dégage ! Après Moubarak, dégage ! Sarkozy, dégage !… en 2036 ?

Publié le 13 février 2011 par Kamizole

Je doute que les nouvelles générations se souviennent encore du vent de folie bien sympathique qui en janvier et février 2011 secoua la Tunisie et l’Egypte ainsi qu’ensuite de nombreux pays arabes. Ils recouvraient la liberté et la démocratie au moment même où nous étions proches de les perdre définitivement. Comment pourrions-nous entretenir le souvenir de cette flamme ? L’interdiction de l’enseignement de l’histoire figura parmi les premières mesures liberticides prises par Nicolas Sarkozy au lendemain de sa victoire “historique” en 2012 : il fut démontré par A + B qu’après le grand matraquage de la campagne électorale (notamment Jean-Pierre Pernault pour TF1 et David Pujadas pour France-2, à la baguette) les résultats furent totalement falsifiés notamment grâce à l’instauration quasi systéma-tique des “machines à voter” : pas de double contrôle “papier” lors même qu’il est de notoriété communément admise qu’il est tout aussi facile à des personnes mal intentionnées de les bidouiller que de bourrer les urnes ou cacher des bulletins dans ses chaussettes comme ce fut le cas à Perpignan sous la férule de l’UMP Jean-Paul Alduy.

La contestation, parfois violente, qui s’en suivit sera réprimée dans un bain de sang qui fit des milliers de victimes. Histoire sans doute de justifier a posteriori l’ignominieuse défense avancée sur France Inter le 17 janvier 2011 par Henri Guaino pour justifier le silence de l’Elysée au sujet des morts en Tunisie : «ce n’est pas la première fois qu’on tire à balles réelles sur les émeutiers. Même dans les pays démocratiques, cela peut arriver». Quand Henri Guaino minimise les morts en Tunisie (Libération 24 janv. 2011). Et de citer l’exemple des Etats-Unis lors des émeutes de Los Angeles en 1992, ce qui serait absolument faux au demeurant, parfaite illustration d’un de mes aphorismes, le mensonge est consubstantiel du sarkozysme : «Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés» ainsi que le dit Jean de La Fontaine dans les «Animaux malades de la peste». Preuve s’il était besoin que le sarkozysme est bien la maladie intellectuellement transmissible que je dénonçais en avril 2007.

Les élections législatives qui suivirent accentuèrent d’autant plus le raz-de-marée en faveur de l’UMP que nombre de candidatures de l’opposition furent invalidées pour des motifs aussi spécieux les uns que les autres et qu’en signe de protestation la plupart des partis appelèrent au boycott, leurs électeurs étant au demeurant totalement démobilisés tant le résultat final était prévisible.

Une chape de plomb recouvrit désormais la France. Toute contestation était désormais interdite, y compris celle des résultats des élections : fort de son écrasante majorité, Nicolas Sarkozy réunit le Congrès à Versailles le 4 août 2012 – tout un symbole ! – et fit amender la Constitution dans le sens le plus liberticide et inégalitaire possible : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 de même que le Préambule de la Constitution de 1946 – largement inspiré par le Conseil national de la Résistance – n’auraient désormais plus valeur constitutionnelle et de toute façon nulle autorité ne contrôlerait la constitutionnalité des lois : le Conseil constitutionnel fut rayé d’un simple trait de plume. Nicolas Sarkozy prenait sa revanche sur les Sages du Palais-Royal qui avaient eu l’outrecuidance de retoquer “ses” lois à plusieurs reprises.

Dans la foulée, il fit abroger la disposition lui interdisant de solliciter plus de deux mandats. Son rêve – devenir président à vie – devenait enfin réalité. Cinq ans d’exercice du pouvoir au sommet de l’Etat l’ayant convaincu qu’il y pouvait satisfaire tout aussi bien, et sans aucun des aléas que l’on peut rencontrer dans le monde des affaires, notamment en période de krach, le second de ses rêves : gagner des masses de flouze. Cette réforme fut adoptée sous les acclamations des parlementaires de l’UMP et même de l’opposition “légale” : le Rassemblement démocratique du Centre (RDC) emmené par Jean-Louis Borloo et Bruno Le Maire.

Fidèle à lui-même, Jack Lang – qui avait été réélu député sous l’étiquette du “socialisme d’ouverture” avec l’appui de l’UMP qui ne présenta pas de candidat contre lui – osa même déclarer que cette réforme allait dans le sens de la «continuité de l’Etat». Il reçut bien évidemment le soutien de Jacques Attali : la démocratie est un frein à la compétitivité car elle soumet la France à une campagne électorale permanente, d’où des surenchères démago-giques, des polémiques sans fin qui interdisent la prise rapide des décisions qui s’imposent. Argument mis en avant dans toutes les dictatures.

Certes, cela n’alla pas sans quelques grincements de dents (in petto) chez les prétendants au trône – notamment Jean-François Copé et Fillon pour les plus crédibles – qui durent ravaler leurs ambitions : ils ne seraient pas califes à la place du calife. Ils surent néanmoins s’en consoler très vite car mieux valait l’assurance de continuer à vivre fort grassement au sommet de l’Etat ad vitam aeternam qu’être soumis aux dures lois de la démocratie, avec le risque non négligeable d’être battu. D’autant que plus personne n’irait contrôler l’usage des deniers publics, Nicolas Sarkozy ayant transformé la Cour des comptes en une simple chambre d’enregistrement. L’opacité la plus totale des finances publiques dans leur ensemble remplaçant sa fameuse “transparence”, d’ailleurs fort relative au demeurant.

De même, l’Assemblée nationale et le Sénat devinrent également de simples instances d’enregistrement des lois voulues par Nicolas Sarkozy, nul besoin désormais de tordre les bras des parlementaires UMP récalcitrants, le Parlement ne disposant plus d’aucun pouvoir autonome. Retour aux sources du parlementarisme croupion de la Restauration et du Second Empire : ils ne devaient d’aucune façon discuter les projets de loi ou proposer des amendements mais seulement les approuver tels quels. Ils avaient bien hérité d’un “droit d’adresse” qu’ils exerçaient à l’occasion du “discours du Trône” devant les parlementaires réunis en Congrès pour entendre chaque année – ou dans quelques situations qu’il jugeait d’importance - Nicolas Sarkozy pérorer sur ses succès. Remontrances dont le chef de l’Etat se faisait bien entendu un torche-cul, ayant réussi à supprimer tous les contre-pouvoirs qu’il avait dans le collimateur. Dont bien évidemment les magistrats qu’il n’avait jamais pu blairer et ce, bien avant 2007.

Evidemment, le juge d’instruction avait disparu. De toute façon, et depuis belle heurette, il était de moins en moins saisi, les procureurs multipliant les enquêtes préalables. Selon que vous étiez puissants ou misé-rables, l’affaire se terminait par un non lieu ou une mise en examen. Les procureurs ne devant plus instruire qu’à charge, les justiciables friqués pouvaient recourir aux services de détectives privés, les autres aller croupir des années avant d’être jugés – la justice n’ayant pas plus de moyens qu’aujourd’hui – sur la paille humide des cachots.

A moins qu’ils ne perdissent leur tête sous le redoutable couperet de “la Veuve”, Nicolas Sarkozy ayant dénoncé la signature par la France de la Convention européenne des droits de l’homme et rétabli la peine de mort. Sous les applaudissements à tout rompre des députés du FN dont un grand nombre s’étaient enrôlés sous la bannière de l’UMP tout en constituant un groupe parlementaire autonome.

Les plus chanceux – si l’on peut dire – parmi les détenus dangereux et considérés comme irrécupérables qui, par quelque miracle avaient néanmoins échappé à la peine de mort, iraient croupir à vie dans des centres fermés rattachés aux hôpitaux psychiatriques qui ressuscitaient les “culs de basse-fosse” de sinistre mémoire. Il fut un temps question de rétablir les bagnes – et même les galères ! avec un argument écologique imparable : la force des bras ayant un impact non négligeable sur «l’empreinte carbone»…

Ces projets restent à l’étude. Toutefois, comme il n’est pas question d’augmenter le nombre de fonctionnaires – les gardiens de prison - ni de doter l’administration péniten-tiaire de moyens nouveaux (on a construit beaucoup de prisons privées avec des matons issus des entreprises de gardiennage qui ont été formés par des mercenaires venant de la sinistre société américaine Blackwater) et que l’Etat ne souhaite pas investir dans la construction de galères fussent-elles dernier cri qui seraient de toute façon anachroniques puisqu’elles avaient pour fonction essentielle de défendre nos côtes méditerranéennes, il est fort douteux qu’il se réalisât quelque jour. Avec son habituel humour imparable, Eric Ciotti vient même d’affirmer «qu’il n’est pas question d’emmener les criminels en croisière» !

En revanche, un grand nombre de détenus est aujourd’hui utilisé pour les travaux les plus dangereux et pénibles des sociétés de BTP. Pour le plus grand bonheur des Bouygues, Vinci et consorts : n’imaginez surtout pas qu’ils reçussent quelque pécule en échange de ce labeur particulièrement éprouvant. Leur maigre pitance, un point c’est tout. Et beaucoup de coups, histoire de les mater. Il tombent comme des mouches, mais qu’importe, leur réserve est inépuisable. La misère matérielle et morale y pourvoit amplement.

Nouveaux «jeux du cirque», Nicolas Sarkozy a pu instaurer dans les tribunaux correctionnels les jurys populaires qu’il appelait de ses vœux, estimant les juges laxistes par définition. Depuis la charge contre les magistrats à la suite de l’affaire Laëticia – un meurtre particulièrement sordide perpétré par un récidiviste mais qui contrairement à ses accusations avait purgé toutes ses peines et avait été élargi dernièrement pour une affaire qui n’avait aucun lien avec le viol dont il s’était rendu coupable précédemment – les juges qui s’étaient massivement révoltés contre le mépris de Sarko à leur encontre, principalement en négligeant toutes les difficultés matérielles auxquelles ils étaient confrontés notamment en raison du manque d’effectifs – la funeste RGPP qui n’a de cesse de supprimer des personnels - et de moyens matériels suffisants, ont perdu progressi-vement une grande partie de leur traditionnelle indépendance.

Vincent Lamanda mourut d’un infarctus ou d’un AVC fulgurant en pleine audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, à laquelle assistait Nicolas Sarkozy.. Malgré des premiers secours intervenus très rapidement, il ne put être réanimé. Son nom ne vous dit certainement plus rien aujourd’hui mais ce premier président de la Cour de cassation fut un sacré personnage.

Sarko, ne doutant de rien, l’avait chargé d’un rapport quand il essaya de contourner la décision du Conseil constitutionnel retoquant l’application de l’enfermement des condamnés à des peines longues après qu’ils eussent purgé leur peine quand leur condamnation était antérieure à la promulgation de la loi (principe constitutionnel de non-rétroactivité des lois pénales).

Bien entendu, Lamanda accepta la mission mais se garda bien de donner des solutions qui eussent contrevenu à la censure du Conseil constitutionnel dont les décisions s’appliquent à toutes les autorités de l’Etat et tout particulièrement au Président de la République, garant - théoriquement - de l’indépendance de la justice aux termes de l’art 64 de la Constitution, ce qui n’est guère évident sous la férule de Sarko.

Ensuite, lorsque la fameuse affaire Bettencourt-Woerth battit son plein et que le procureur tenta plusieurs mois de continuer les enquêtes préalables plutôt que de saisir des juges d’instruction sur les volets multiples de cette affaire, il mit carrément les pieds dans le plat, demandant que l’on saisisse la Haute cour de justice, seule habilitée à juger les ministres coupables dans l’exercice de leur mission.

Vous avez très certainement oublié que Nicolas Sarkozy avait fait très fort en 2007 en comparant les magistrats de la Cour de cassation - la plus haute instance de l’ordre judiciaire - à des petits pois dans une boîte. Bonjour le mépris ! Je suppose que c’est à l’occasion d’une agitation de son propre petit pois, bien seulâtre dans sa boîte crânienne.

Toujours est-il que l’accident cardio-vasculaire fulgurant dont fut victime Vincent Lamanda parut suspect à plus d’une personne dans le corps médical, sachant que des substances quasi indétectables peuvent provoquer la mort en simulant tous les signes cliniques d’un infarctus. Même Bernard Debré, député UMP de Paris et médecin (toujours quelque peu iconoclaste) émit des doutes lors d’un dîner en ville… C’était bien entendu “off” mais une journaliste de Libération y assistait et vous pensez bien - la presse n’était pas encore “sous contrôle” - qu’elle ne put résister à la tentation d’un scoop !

La justice est toujours aussi lente sinon encore plus mais qu’importe : les prévenus croupissent en prison et fournissent de la “chair à travail” gratos. Mais surtout, les jurés y trouvent matière à revenu pour un montant non négligeable. Pain bénit lorsque le nombre de chômeurs atteint des records : plus de 10 millions de personnes. Ne croyez pas qu’il suffise d’être électeur pour être appelé à siéger comme juré. Jury populaire, certes mais très politique : seules les personnes ayant une carte à l’UMP et si elles sont adhérentes de surcroît au FN, c’est encore mieux ! sont sélectionnées. Je n’ai pu vérifier l’information puisque internet est devenu encore plus censuré qu’en Chine mais le bruit courut que certains jurés seraient devenus quasi permanents et l’on devine aisément les critères de cette sélection. Pas d’assistanat ni de clientélisme avez-vous dit ?

Car naturellement, le chômage n’a fait que s’accroître sous l’empire d’une politique économique marquée par l’empreinte de l’ultralibéralisme débridé. De même que le nombre de personnes vivant dans la misère la plus noire qui atteint désormais plus de la moitié de la population, encore que les chiffres exacts soient largement cachés par des médias aux ordres : ceux qui ne l’étaient pas ont été purement et simplement interdits. Sarkozy a rétabli le ministère de l’Information et la censure préalable.

Plus question de prouver que les happy few de l’hyper-bourgeoisie ont vu leur fortune et revenus exploser depuis 2012 d’autant que Nicolas Sarkozy qui avait été contraint en 2011 de supprimer l’Impôt sur la fortune (ISF) en même temps que le “bouclier fiscal”, se contentant d’augmenter très légèrement la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu – toilettage de façade à visée uniquement électoraliste – rétablit immédiatement le bouclier fiscal (mais non l’ISF !) lors de la session extraordinaire du Parlement en juillet 2012. Ce qui fait que non seulement les plus grosses fortunes furent quasi exonérées d’impôts sur le revenu mais qu’en outre, les heureux bénéficiaires de cette disposition inégalitaire en diable reçurent de fort gras subsides, le mot d’ordre étant plus que jamais : faire payer les pauvres !

Le démantèlement de la protection sociale fut poursuivi avec acharnement. Le régime de base de sécurité sociale et des retraites ne concerna plus que les indigents (de plus en plus nombreux au demeurant) les autres devant adhérer à des assurances privées – des dispositions ad hoc firent la part belle à Mérédic, toujours dirigé par Guillaume Sarkozy, au grand dam des autres compagnies – qui coûtaient la peau des fesses. Idem pour “la prestation dépendance”. Les personnes âgées dépendantes et pauvres qui ne pouvaient régler les exorbitants prix de journée réclamés par les maisons de retraite – toutes privées - furent parquées dans des sortes d’asile dignes de l’Ancien Régime et qui n’enviaient rien aux “working houses” décrits en son temps par Dickens.

Comme de surcroît l’on supprima également toutes les prestations sociales – haro sur l’assistanat ! – les chômeurs et toutes les personnes sans ressources qui ne pouvaient être secourues par leur famille y furent également enfermées, notamment lorsque la “police des pauvres” - particulièrement vigilante – les surprit à mendier. Main d’œuvre gratuite que l’on força à travailler dans l’asile : cuisine, ménage, entretien des espaces verts, soins dispensés aux pensionnaires âgés.

Plus question d’attendre quelque subside que ce soit des collectivités locales. Les Centres communaux d’action sociale (CCAS) furent purement et simplement supprimés. Tant pis pour les “salauds de pauvres” ! N’ont qu’à être riches, m’enfin… Il y a bien du Guizot «Enrichissez vous» dans cette démarche car le pouvoir rétablit le suffrage censitaire : depuis 2012, le montant de l’impôt acquitté nécessaire pour être électeur ne cesse d’augmenter chaque année et il faut de surcroît être propriétaire d’un bien immeuble sur la commune.

De toute façon la décentralisation a vécu. Après la fusion des conseils généraux et régionaux et l’instauration de nouvelles règles électorales pour les élections locales – il fallut dans un premier temps obtenir 12 % au lieu de 10 % des suffrages au premier tour pour se maintenir ou fusionner avec une liste, afin d’éviter toute “triangulaire” par définition défavorable à la majorité – on retira progressivement toutes leurs prérogatives aux collectivités locales. De nouveau, elles durent soumettre leurs délibérations au contrôle préalable des préfets et ceux-ci furent chargés d’établir leurs budgets.

Mieux, dans un premier temps, l’on revint à la pratique des “candidatures autorisées” qui avait fait les beaux jours de la Restauration et du Second Empire et il est question aujourd’hui de rétablir la désignation des maires par le pouvoir exécutif. Nicolas Sarkozy se rendant bien compte de l’exaspération grandissante de la population et craignant de devoir subir le même sort que Ben Ali, Moubarak et quelques autres dictateurs corrompus et sanguinaires de la même eau. A peu près au même âge : 81 ans.

Il fut bien vite évident que ce régime n’avait plus rien à envier aux prédateurs comme le clan Ben Ali-Trabelsi ou Moubarak dont nous apprîmes, la Tribune de Genève entre autres titres, qu’il était à la tête d’une colossale fortune (7 fév. 2011) estimée entre 40 et 70 millions de dollars – la dette égyptienne étant d’environ 37 millions de dollars – information qui, comme dans la Tunisie de Ben Ali, mit sans doute définitivement le feu aux poudres non seulement parmi les contestataires qui occupèrent la place El Tahrir durant quasi trois semaines mais aussi dans la majeure de la population car il furent rejoints en cet historique vendredi 11 février 2011 par des travailleurs pauvres et des militaires, officiers y compris. Image émouvante que de voir l’un d’entre eux porté en triomphe par la foule exultante de bonheur après l’annonce de la démission de Moubarak.

Je suivis tous ces évènements en direct sur i-télé – encore une fois je remarquai que contrairement à BFM, il n’y eut aucune coupure publicitaire pendant plus de 2 h 30. Ce fut aussi le temps qu’il fallut à l’Elysée pour réagir par un communiqué – «saluant une décision courageuse et nécessaire» - d’une insipidité aussi abyssale qu’au moment du départ de Ben Ali, avec toutefois moins de circonvolutions car Moubarak ne quitta pas l’Egypte ni ne demanda l’asile à la France mais s’envola pour un exil doré à la station balnéaire de Charm-el-Cheik sur la Mer Rouge.

Bien que je ne pus disposer d’informations précises à cet égard, nul doute que ce fût l’armée égyptienne qui obligea Moubarak à démissionner alors que la veille au soir il déclarait encore dans une allocution laborieuse, interminable et dégoulinante de pathos qu’il entendait se maintenir à la tête de la République égyptienne pour assurer la transition. Moubarak dernier rempart de la démocratie !

Fort déçue moi-même par cet interminable épilogue semblable à ce qui précéda la fuite de Ben Ali et sa clique de prédateurs, je ne pus que comprendre l’amertume des Egyptiens après trois semaines d’intense mobili-sation sur un seul et même mot d’ordre : Moubarak, dégage !

Je me demande si le départ de Moubarak donna lieu à une scène aussi ridicule sur le tarmac que celui de Ben Ali le 14 janvier 2011, tel que l’a décrit en exclusivité le Nouvel Obs L’histoire secrète de la fuite de Ben Ali (9 fév. 2011) Ben Ali refusant de quitter la Tunisie, il se tord les mains et refuse de grimper dans l’avion. “Laissez-moi, je ne veux pas y aller, je veux mourir ici dans mon pays.” Les dialogues sont particulièrement savoureux, dignes de Michel Audiard. D’abord, Ali Seriati, redouté chef de la police politique, son compagnon depuis trente ans, le seul qui osa le bousculer pour l’obliger à monter dans l’avion : «Bordel de Dieu ! Tu vas monter !».

Ensuite, la charmante Leila Ben Ali qui «Avec la langue fleurie qu’elle affectionne, Leïla rudoie ce mari hébété dont les jérémiades l’exaspèrent maintenant qu’il a perdu son pouvoir : “Monte, imbécile, toute ma vie, il aura fallu que je supporte tes conneries !“. No comment… Si l’on pouvait en douter, il est évident que l’amour sincère et désintéressé n’eut jamais la moindre part qui soit dans cette union. Nous sommes loin du «pur amor» chevaleresque des romans courtois à la manière de Marguerite de Navarre et la «Carte du Tendre» de Madeleine de Scudéry doit être revisitée. Les autoroutes ont remplacé ses chemins et nul doute que celui de la “concupiscence” eût mené tout directement cette Leïla à la Banque de Tunisie où avant de s’embarquer pour Djeddha, elle alla retirer de quoi ne manquer de rien dans son exil : La famille Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d’or (Le Monde du 16 janv. 2011) ce qui représente rien moins que 45 millions d’euros… Les vraies putes sont autrement respectables.

Quitte à me faire chier, le jeudi 10 février 2011, je préférai encore le discours de Ben Ali que j’écoutai sur i-télé à l’habituelle logorrhée de Sarko au même moment dans «Paroles de Français» l’émission de Jean-Pierre Pernault – télépopuliste journaliste de TF1 – qui s’éter-nisa (une heure de plus que prévue, ais-je lu !) et à lire les compte-rendus dans la presse, je ne ratai rien. «Beaucoup de bruit – médiatique – pour rien» si “rien” signifie : je continue sur ma lancée quoiqu’il advienne, peu important le nombre de Français mécontents. Pour les magistrats, idem. On ne peut rien faire de plus, les caisses sont vides – on sait bien par qui et pour qui elles ont été pompées ! – et ce morceau d’anthologie : mieux vaut aider (tu parles ! ils attendront longtemps, les pauvres) les chômeurs que des personnels qui ont un statut. Ce n’est pas ça qu’ils demandaient les magistrats, Duchnock, mais des effectifs supplémentaires et des moyens matériels dignes de la justice d’un grand pays. Et ne plus être la cible privilégiée des attaques de Sarko, de son mépris à leur égard.

Quant à l’Education nationale, 16.000 postes devaient être supprimés en 2011 lors même que du fait de la hausse de la natalité qui se poursuit depuis plusieurs années, le nombre d’élèves connaîtra une augmentation très sensible. Comme pour les magistrats et les policiers – ils furent assez marris à Orléans d’apprendre que leurs effectifs ne seraient pas augmentés – la réponse de Sarko fut toujours la même : ce ne sont pas les effectifs qui importent mais les moyens techniques. Après les caméras de surveillance, les bracelets électroniques pour les ex détenus dangereux, l’enseignement par internet ?

De toutes les façons, l’enseignement laïc obligatoire et gratuit a vécu. L’œuvre de Jules Ferry, déjà bien mise à mal, était sur le point d’être enterrée mais Sarko se gardait bien de l’annoncer avant l’élection présidentielle de 2012. Tout pour le privé ! Ne croyez pas pour autant que les écoles diocésaines de l’Eglise catholique en profiteraient. Nicolas Sarkozy avait encore en travers de la gorge les critiques de l’épiscopat français et même de Benoît XVI en août et septembre 2010 au moment de l’offensive tous azimuts contre les Roms.

Il n’était pas prêt de pardonner. Tant pis pour la «laïcité positive» dont il chantait les louanges à l’automne 2008 lors de la visite de Benoît XVI en france. Il passe d’une lubie à l’autre. Seul compte l’instant présent. Cas assez rare d’amnésie rétrograde : il oublie immédiatement celle qui pourtant faisait précédemment l’alpha et l’oméga de sa politique. Quant aux protestants qui s’étaient également insurgés à propos des expulsions manu militari de Roms, les écoles protestantes sont à ma connaissance fort peu nombreuses et “l’école du dimanche” correspond à notre catéchisme. Les deux facultés de théologie protestantes – Strasbourg et Paris – visant essentiellement la formation des pasteurs. A cet égard, on peut les comparer aux grands séminaires catholiques.

A l’époque, personne – même moi, hélas ! – n’avait envisagé le scénario tordu que préparait Nicolas Sarkozy : mettre l’Educ-Nat sous la coupe de l’Eglise de Scientologie ! avec laquelle il a beaucoup d’affinités sinon carrément d’accointances. Au point que certains se demandaient depuis longtemps s’il n’en serait pas membre… Ce qui ne serait nullement surprenant dans la mesure où cette secte cherche par tous les moyens à infiltrer les milieux du pouvoir et Nicolas Sarkozy serait ami avec l’acteur américain Tom Cruise, scientologue affiché. La Scientologie finit sous Sarko par devenir quasi “religion d’Etat”.

Nicolas Sarkozy se garda bien de dévoiler ses batteries avant et pendant la campagne présidentielle, sachant pertinemment que ce serait totalement rédhibitoire dans une large fraction de son électorat conservateur, plutôt catholique. Dès la rentrée parlementaire de l’automne 2012 il chargea Luc Chatel, toujours ministre de l’Educ-nat et béni-oui-oui de première bourre - du moment que «chef à dit» ce ne peut être que parfait et Bécassin ne trouve rien à redire – d’engager des négociations secrètes avec les responsables français de l’Eglise de Scientologie. A mon avis, le terrain avait déjà été préparé bien avant cette date.

Il y eut bien entendu des “fuites” qui donnèrent lieu à moult controverses (il n’y avait pas encore le black-out sur l’information). Selon certains, une telle mutation de l’Ecole était impossible car les scientologues ne s’intéressent a priori qu’à ceux qu’ils pourront tondre en leur vendant du matériel, des livres, des formations, etc. Tout cela hors de prix. Pour leur faire croire que la réussite est à portée de main et qu’il suffit de découvrir et développer leurs potentialités. Or, il n’était nullement question de réserver le futur pré-carré des scientologues aux seules écoles de l’élite mais à l’ensemble des établissements, de la maternelle au bac.

La plupart ne comprirent pas que les scientologues savaient parfaitement s’adapter aux publics à qui ils s’adressent. Sinon, comment expliquer qu’ils infiltrent parfois des instances où ils ne risquent guère de découvrir de futurs clients, en direction des drogués, des jeunes déscolarisés ou en voie de l’être ? De fait, ils usèrent d’une stratégie à double facette. Dans un premier temps, ils opéraient un rapide distinguo entre les élèves dont ils pensaient qu’ils avaient un potentiel suffisant pour espérer faire partie des futures élites et à qui ils prêchaient l’Evangile selon Ron Hubbard «Tu seras un chef, mon fils» et les moyens d’y parvenir et aux autres, le vulgum pecus à qui ils enseignaient qu’il fallait se soumettre à l’ordre établi. Nouvel “opium du peuple” sans même la promesse d’un futur Paradis : «Tu trimeras, mon fils».

Beaucoup de personnalités de la politique, des arts et du spectacle ainsi que de nombreux intellectuels préfé-rèrent quitter la France plutôt que vivre sous le joug de cette dictature. Les citer allongerait inutilement cet article qui n’est déjà que trop fourni.

Quant à moi, étant trop pauvre pour vivre ailleurs qu’en France (je ne pense pas que l’on m’eût versé mes retraites déjà peau de chagrin si j’avais choisi l’exil) je restai donc attachée à ma glèbe. En déménageant très loin, je parvins non sans mal à échapper à la “police des esprits” qui chercha partout à traquer les livres détenus par les particuliers et pus conserver mes bibliothèques à leur insu. Avec quelques ami(e)s sûrs, nous échangeons nos livres avec des prudences de conspirateurs. Pendant presque 25 ans, je vécus dans cette quasi clandestinité, disposant désormais de beaucoup de temps pour lire et écrire. Par chance, j’avais conservé mon ancien ordinateur où j’écris mes textes, celui-ci n’étant pas raccordé à internet, il échappe donc aux mouchards électroniques qui scrutent le réseau en permanence.

Il y a belle heurette que Lait d’Beu a dû mettre définiti-vement la clef sous le paillasson. Vous imaginez aisément que ma prose n’était pas dans la ligne sarkoïdale ! Il me plairait pourtant que 2036 rappelle quelque peu le Front populaire et la victoire de la gauche en 1936. Pour en commémorer le centenaire, ce serait formidable !

Prudemment, et sans doute instruit par l’exemple de ses modèles en matière de dictature maffieuse, Nicolas Sarkozy vient d’annoncer qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat en 2037. C’est trop tard pour les Copé et Fillon qui ont rongé leur frein pendant vingt-quatre ans. D’autant que l’on prête à Nicolas Sarkozy l’intention de mettre la candidature de «Prince Jean» (50 ans) en orbite. Celui-ci est déjà 1er ministre, président de l’UMP et… président de l’Assemblée nationale. Non ! Vous ne rêvez pas… tout est possible en Sarkozy quand bien même Montesquieu dût-il se retourner dans sa tombe de voir ainsi foulé aux pieds son sacro-saint principe de séparation des pouvoirs.

Mais cela risque d’être rock n’roll, tant le fils est encore plus unanimement détesté que le père, en raison de sa morgue, de son impolitesse, de sa brutalité, du mépris total pour les règles et les personnes et de son avidité encore plus grande pour le flouze. Tout cela avec une inintelligence foncière d’un rare niveau.

Le peu d’infos que j’arrive à glaner et ce que j’entends autour de moi me laisse espérer une prochaine révolte populaire. Je suis aujourd’hui bien trop âgée (bientôt 89 ans) pour être de la fête. Mais si Dieu me prête encore assez longtemps vie pour voir Sarko, Prince Jean, Carla Bruni et toute cette clique aussi malfaisante que prédatrice mise de force dans une fusée qui les enverrait tourner vitam aeternam autour de la planète, je pourrais mourir réjouie.