CIA, Pernaut : aveuglement, mode d’emploi

Publié le 12 février 2011 par Lyriciste

Heures d’allégresse: en fin d’après-midi, c’était sûr et certain, Moubarak dégageait. Ce n’était pas seulement la place Tahrir qui l’espérait, c’était la CIA qui l’annonçait. Du sérieux, la CIA, non ? Obama reprenait l’information, saluait l’Histoire en marche, la chose était pliée, emballée. Advint ce que l’on sait, l’Histoire, cette capricieuse, fit deux pas en arrière, et à l’heure où s’éveille le matinaute, Moubarak s’accroche encore. Alors, commère CIA, d’où venait donc votre tuyau ? C’est la correspondante de France Inter à Washington, qui le révélait ce matin: le patron de la CIA, Léon Panetta, tenait ses informations…de la lecture de la presse. Laquelle, évidemment, n’ayant pas accès aux intentions secrètes de Moubarak, tenait elle-même une bonne partie de ses pronostics des aspirations bruyantes de la place Tahrir.

Ne riez pas, ces emballements circulaires sont plus fréquents qu’on l’imagine. De la même manière que le métier de correspondant d’un média à l’étranger, le métier d’espion consiste, pour une bonne part, à scruter la presse du pays espionné, et à en faire des rapports, en l’enjolivant ou en l’épurant de quelques adjectifs pépédéesques. Laquelle presse, quand elle se procure ensuite un de ces rapports, se fait une joie d’en faire la Une, en se félicitant hautement de son scoop. Ainsi non seulement la réalité sociale reste-t-elle largement opaque aux dirigeants et aux journalistes, mais parfois même les cercles de pouvoir d’un Etat parviennent-ils à atteindre la même opacité, ce qui semble le cas, actuellement, en Egypte.

Sur le podium de la capacité d’auto-aveuglement, la petite Nomenklatura française conserve pourtant la plus haute marche, aveuglée par ses dorures louisquatorziennes, survolant révolutions et misère dans les avions privés des dictateurs. Il faut dire qu’elle y est bien aidée par ses médias de Cour. La bouffonnerie organisée hier soir par TF1 (et sur laquelle je n’insiste pas pour ne pas vous faire perdre votre temps, tant le consensus est général ce matin) n’est pas seulement une insulte au peuple. C’est aussi (mince consolation) un très mauvais service rendu à Sarkozy lui-même, qui sera sorti de là persuadé que la population française ressemble vraiment à ce troupeau de pharmaciennes multi-cambriolées, et de maris octogénaires exemplaires de femmes atteintes d’Alzheimer, qu’avait rassemblé pour lui complaire le vieux mameluk Pernaut.

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