On crie rarement au génie, mais on vous assure que Ladislas Starewitch en est un. Ce Polonais arrivé en France en 1920 – il y meurt en 1965, oublié, après avoir connu un destin à la Méliès – n’a pas simplement inventé un genre, la ciné-marionnette, il a renouvelé dans les années trente un de nos patrimoines les plus chers, lesFables de La Fontaine. Le voilà exhumé, quelques années après son Roman de Renart.
Qu’il s’agisse du lion devenu vieux, blanchi sous le harnais, de la cigale membre foldingue d’un jazz-band, des grenouilles qui se jettent tête la première, avec voitures et cameraman, vers la grue choisie pour reine, l’invention est totale, stupéfiante, tantôt drôlissime, tantôt poignante. Starewitch, reçu jadis avant son exil par le tsar, était un entomologiste, et cela se voit à la précision extrême de ses mini-marionnettes douées d’une vie étonnante. Là où La Fontaine pratiquait l’art de l’ellipse et gambadait à tout va, Starewitch dilate le temps, s’accorde des pauses, s’engouffre dans les trous, recrée littéralement l’univers de la fable. Nul doute que messire Jean en aurait été, lui aussi, baba d’admiration.
« Les Fables de Ladislas Starewitch d’après La Fontaine » de Ladislas Starewitch. Sortie le 9 février. (source)