On ne le répète peut-être pas assez, mais le petit écran est un art mis au service des mots. Sa force, c'est la manière dont il exploite, comprend et appréhende leur poids. Ce n'est pas pour rien si le téléphage repèrera rapidement les noms de ses scénaristes fétiches, ces magiciens du verbe qu'il suivra avec attention. Les phrases marquantes, les séries en recèlent. C'est ce qui fait leur identité. C'est pour cela que ce jour du TV Meme apparaît si dur à trancher.
Parmi ces phrases, il y a bien sûr ces grands discours inspirés, abordant des thématiques fortes qui nous peuvent toucher sur un plan autant émotionnel qu'intellectuel. Des séries comme The West Wing, Babylon 5 ou Battlestar Galactica, par les thèmes qu'elles traitent, ont excellé dans cet exercice. Poussée à son extrême, cette logique nous conduit d'ailleurs tout droit dans les prétoires, où des legal dramas ont su offrir des monologues fascinants et inspirants, portés par l'éloquence de leurs interprètes et la justesse des plaidoiries ciselées des scénaristes, parmi lesquels le maître en la matière demeure pour moi David E. Kelley. Combien de fois me suis-je laissée entraîner et submerger par les conclusions d'Alan Shore (Boston Legal), dans une série qui su repousser à leur maximum toutes les limites de cette capacité tribunitienne du petit écran ?
A côté de ces plus longs discours, il y a toutes ces répliques cultes qui doivent tout à la personnalité de celui qui les prononce. Tous ces House-ism qui nous ont fait jubiler devant notre petit écran, nous laissant savourer les perles tranchantes des vérités du Docteur House (House MD), resteront assurément dans la mémoire téléphagique. Et puis, il y a aussi ces phrases qui vont claquer comme un slogan, dont la brièveté et la répétition va permettre de les graver dans nos têtes. Ces quelques mots demeurent alors comme un symbole irrémédiablement associé à l'identité de la série. C'est un cri de ralliement comme aucun autre. Une série comme Doctor Who en est, par exemple, truffée du fameux "Allons-y Alonso" au dernier "Bow ties are cool" (saison 5). Parfois, la confusion avec le slogan est complète, comme dans Friday Night Lights qui continuera longtemps de faire résonner dans nos esprits son "Clear eyes. Full hearts. Can't lose". Cela peut même être extrêmement minimaliste, mais saura tout autant marquer le téléspectateur. Un petit "Nobuta power... Chunyuu !" (accompagné du petit signe de la main !) me fait toujours fondre en repensant à ma première rencontre avec Nobuta wo Produce.
Nobuta power ! Chunyuu ! (Nobuta wo produce)
Tout ça pour dire qu'il y aurait des milliers de répliques appropriées pour ce jour, qui seraient légitimes pour des dizaines de raisons différentes. Parce que c'est justement le rôle et la fonction des séries de nous marquer par ses mots.
Finalement, au milieu de ces choix multiples, celle sur laquelle je me suis arrêtée, je l'ai choisie pour sa simplicité. Parce qu'elle n'est qu'une anecdote, mais qu'elle capture un personnage et pose une ambiance. Je l'ai choisie pour ce qu'elle représente, la rencontre au cours du pilote de la série avec un personnage, véritable pivôt de la série. Je l'ai choisie pour ce sourire plein de tendresse qu'elle me procure quand je revois dans ma tête John Spencer prononcer ces mots. Voyez-y tout à la fois une pointe de nostalgie et un modeste hommage. Sans doute était-ce à ce moment-là du pilote que j'ai su que The West Wing serait pour moi une série à part.
(Leo McGarry au téléphone avec un journaliste du New York Times au sujet de l'orthographe d'un nom propre des mots croisés de l'édition du jour - The West Wing)
"They hang up on me every time."