L’histoire a fait
suffisamment de bruit pour que tout le monde la connaisse, Attali préconise
sur son blog (reprise de sa chronique dans L’Express à moins que ça ne soit
l’inverse) ni plus ni moins que d’interdire la cigarette ou plus précisément
d’en interdire la production, la distribution et la consommation !
Il n’est pas excessif de dire que les réactions à cette radicale proposition
furent nombreuses et véhémentes. A cette minute, pas moins de 676 commentaires
sous son billet sans compter les réactions sur les nombreux sites interactifs
qui ont repris l’information.
Il faut dire qu’Attali ne nous avait pas habitués à nous faire de telles
sorties.
Lorsque j’ai entendu ça pour la première fois, j’avoue que ma première et
spontanée et pour le moins primaire réaction fut de me dire « Ah enfin,
quelqu’un qui ose demander l’interdiction de cette plaie de l’humanité qu’est
la clope en s’attaquant frontalement aux puissants lobbies du tabac !
»…bravo Jacques !
Ma première réactions fut donc celle de quelqu’un qui, vous l’avez compris,
considère que fumer est une grosse connerie, qui regarde avec pitié les fumeurs
se jeter frénétiquement sur leur drogue nauséabonde dès qu’ils sortent du
métro, qui considère avec consternation les jeunes qui se croient émancipés
parce qu’ils tirent sur leur clope avec un faux air de cowboy Malboro (mort
d’un cancer du poumon) et qui regarde scandalisé les parents qui imposent les
effluves nauséabondes à leur jeune progéniture.
Bien évidemment, mes états d’âme vis-à-vis de la cigarette des autres, ne
constituent pas une argumentation suffisamment solide pour en réclamer
l’interdiction.
Attali justifie ce qu’il va jusqu’à qualifier de « combat
d’évidence » de la manière suivante : « La consommation
de ce produit entraine d’immenses dépenses de santé et réduit partout la
productivité des entreprises qui doivent laisser à leurs employés des pauses
pour s’empoisonner en toute légalité » !
A ces considérations, il ajoute quelques chiffres plutôt
éloquents :
- 5 millions comme le nombre de morts causées tous les ans par le tabac dans
le monde,
- 100 millions comme le nombre de morts tués par le tabac au 20ème
siècle,
- 1 milliard comme le nombre de personnes qui, selon l’OMS, devraient en
mourir au 21ème siècle !
A ces chiffres on pourrait rajouter :
- 66 000 comme le nombre de décès par an en France liés au tabac
- Ou encore 50% comme le pourcentage de fumeurs qui devraient en mourir
!
Pour autant, je ne peux pas être d’accord avec la mesure radicale préconisée
par Attali.
Ce n’est pas que le sort de l’industrie du tabac me ferait couler une seule
ébauche de larme, il ne tiendrait qu’à moi, ses dirigeants seraient tous en
tôle pour empoisonnement
volontaire et ce n’est pas non plus le sort des buralistes qui n’auraient
qu’à se recycler dans un autre commerce que celui du poison.
Non, 2 raisons essentielles pour considérer cette idée pourtant fort
tentante comme plutôt absurde.
Tout d’abord, et même si on imagine qu’elle soit appliquée par le monde
entier, ce qui est évidemment inenvisageable, elle aurait les mêmes effets que
toute prohibition d’envergure !
Même si elle entrainerait probablement une diminution de la consommation,
elle ne la ferait évidemment pas disparaitre, très loin de là. Chez beaucoup et
notamment chez les jeunes, elle risquerait même de provoquer l’effet inverse,
braver un tel interdit constituerait une motivation supplémentaire.
D’autant plus que, paradoxalement, leur prix débarrassé des taxes
conséquentes qui aujourd’hui en constitue une grande part, pourrait diminuer et
rendre la cigarette, de ce point de vue, plus attractive.
Une interdiction, même graduée, reviendrait à offrir sur un plateau le
marché du tabac à toutes les mafias du monde. Les trafics qui s’organiseraient
autour du marché noir du tabac, entraineraient derrière eux crimes et forfaits
en tous genres.
En matière de santé publique, il y a fort à parier que la situation ne
s’améliorerait guère. Les cigarettes d’aujourd’hui sont déjà pleines de
saloperies toute plus néfastes pour la santé, il n’est pas difficile d’imaginer
que ça n’irait pas en s’arrangeant si leur fabrication et diffusion étaient
laissées entre les mains d’individus encore moins scrupuleux que les
cigarettiers officiels (si, si c’est possible) !
Evidemment, un marché non contrôlé ne permettrait pas aux Etats de prélever
au passage la dîme censée compenser pour partie les nuisances pour la
collectivité provoquées par l’usage du tabac.
Enfin, la surveillance, le contrôle et la répression du tabagisme,
occasionneraient d’une part des couts certainement importants et d’autre part
contribueraient à renforcer le sentiment quelques fois trop présent que nous
vivons dans un Etat policier !
Ce dernier point, m’amène tout naturellement, à l’autre raison de mon
opposition à la proposition d’Attali, et j’aurais probablement du commencer par
celle là, c’est le caractère liberticide d’une telle mesure !
Encore une fois, je le répète pour ceux qui n’auraient pas tout à fait
saisi, j’exècre la cigarette !... non seulement je ne fume pas, mais l’odeur et
à plus forte raison la fumée de cigarette m’indispose au plus haut point
!
Or, malgré l’avancée notable qui a consisté à interdire de fumer dans les
lieux publics, lorsque vous habitez une ville comme Paris, vous ne pouvez pas
faire 2 mètres sans être confronté à la très désagréable fumée ou aux odeurs
répugnantes générés par les cigarettes des fumeurs ambulants.
Pour autant, je ne peux adhérer à l’idée d’interdire à ceux qui y trouvent
un hypothétique plaisir de s’adonner à leur vice !
En ce qui concerne la cigarette, comme pour un tas de choses l’individu doit
être libre et responsable de ses choix, à partir du moment ou ils ne nuisent
pas directement ou indirectement à autrui !...même si je rappellerais aux
tenants de la liberté de fumer que cette liberté s’arrête là ou commence la
dépendance !
Le respect des principes de liberté et de responsabilité suppose, dans le
cas de la cigarette, que l’Etat laisse les fumeurs fumer si c’est leur choix
mais par contre qu’il s’assure qu’ils en assument intégralement les
conséquences c’est à dire qu’ils n’imposent pas leurs nuisances aux non fumeurs
et qu’ils ne leurs demandent pas de prendre en charge le surcout provoqué par
leur pratique sur le système de santé, en clair qu’ils financent eux même leurs
futures maladies !
Devant les couts évoqués par Attali, il ne faut pas interdire la vente ou la
consommation du tabac mais en évaluer la charge pour la collectivité et faire
en sorte qu’elle soit compensée par les fabricants/distributeurs et les
consommateurs.
Le rôle de l’Etat est également de s’assurer qu’il n’y a pas d’abus de
faiblesse, en donnant, à tous, les moyens d’appréhender correctement les
conséquences de ses choix et de ne pas laisser chacun face aux mensonges et aux
fausses promesses véhiculés par les vendeurs de drogue. De ce point de vue, les
mentions obligatoires sur les paquets et les campagnes de dissuasion sont
parfaitement justifiées.
Pour toutes ces raisons, je considère que l’Etat a raison d’édicter des
règles contraignantes afin d’interdire aux fumeurs de fumer n’importe où, qu’il
a raison de taxer le tabac, même si le produit de cette taxe devrait aller
intégralement dans les caisses de la Sécu ce qui est très loin d’être
le cas(En 2007 seul 30 % des montants prélevés sur le tabac ont été
affectés à la CNAM ), et qu’il a raison de ne pas l’interdire. …liberté et
responsabilité sont toujours préférables à interdiction et répression
!
Tout ce long billet pour dire que, non Monsieur Attali, cette idée certes tentante mais que ce n'est pas une bonne idée !