Ce drame psychologique poignant déguisé en thriller permet à Alfred Hitchcock d’aborder des thèmes audacieux pour l’époque. Sans doute son dernier grand film.
L’argument : Mark Rutland sait qu’à chaque nouvel emploi Marnie Edgar déleste ses employeurs. Intrigué par son comportement et attiré par sa fascinante beauté, il l’engage tout de même comme secrétaire-comptable dans sa maison d’édition. Un jour, la jeune femme s’enfuit avec la caisse. Mark s’aperçoit du vol et donne le choix à Marnie entre le mariage ou la dénonciation à la police.
En ce début des années 60, Alfred Hitchcock prépare en secret le retour sur les écrans de Grace Kelly, devenue princesse de Monaco. Il s’est passionné pour le roman de Winston Graham Marnie et engage trois scénaristes successifs pour arriver à l’adapter au cinéma. En attendant que la princesse monégasque se décide, le maître du suspense tourne Les oiseaux (1963) avec la belle Tippi Hedren. Lorsque Grace Kelly abandonne définitivement l’idée de revenir sur les plateaux, Hitchcock propose le rôle à sa protégée de The birds. Contre toute attente, il choisit de lui opposer Sean Connery, alors connu pour son interprétation de l’agent secret 007. Malgré l’aspect improbable du duo, le couple fonctionne particulièrement bien et propose une interprétation bien plus moderne que prévu initialement.
Hitchcock reprend ici la formule expérimentée sur Psychose : il débute son film comme une classique histoire de vol afin de captiver le spectateur, avant de faire glisser son œuvre vers tout autre chose. Si Psychose initiait la vague des serial killers, Marnie se révèle rapidement être un drame psychologique poignant où l’on assiste à la renaissance d’une femme détruite par un traumatisme vécu durant son enfance. Finalement très proche du chef d’œuvre Sueurs froides par son portrait d’une jeune femme névrosée, Marnie fait la part belle aux théories freudiennes qui plaisaient tant au maître anglais. D’une grande modernité par l’audace des thèmes abordés (la frigidité, le viol et la puissance destructrice de la libido et du refoulé), ce long métrage bénéficie d’un jeu d’acteurs impeccable, d’une musique percutante de Bernard Herrmann et d’une réalisation brillante. Non dépourvu de fulgurances et de lyrisme (les séquences de l’orage ou encore la chute de cheval), ce magnifique chant d’amour entre un homme ordinaire et une femme blessée fut un échec commercial à l’époque à cause de son caractère inattendu. Aujourd’hui, Pas de printemps pour Marnie est considéré à juste titre comme le dernier film important de son metteur en scène.
Virgile DUMEZ
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