Magazine Culture
Chez Danny Boyle, il est toujours question de survie, et du combat d’un homme- accablé par son environnement. Des ruelles impitoyables de l’Inde (Slumdog Millionaire) aux plages paradisiaques de Thaïlande (The Beach), des monstres zombies (28 Days later) à l’intrus de Sunshine, ses héros sont toujours confrontés à deux choses : au dépassement de soi dans un univers hostile, et à un ennemi invisible à combattre. Perfect timing donc pour ce 127 Hours qui déboule avec une immense cohérence dans la filmo de Boyle, narrant l’expérience cauchemardesque d’Aron Ralston, coincé dans une crevasse des gorges de l’Utah, qui n’a d’autre choix que de se mutiler le bras pour s’en sortir. Il fallait bien la folie furieuse du cinéaste britannique pour s’atteler à la réalisation d’un survival claustro comme celui-ci, au sujet casse-gueule parce que difficile à traiter. Comment saisir l’essentiel du magma bouillonnant que forment les pensées d’un jeune homme assoiffé, affamé, désespéré et condamné au fond d'un trou ? Comment transcender le lieu unique et y inscrire un contexte émotionnel, familial, universel ? Boyle réussit le défi haut la main, maintenant une incroyable tension tout du long, se jouant des sons, des couleurs, de tous les artifices filmiques possibles et imaginables pour garder son film en état d’éveil permanent, surexcité, à l’instar de son personnage, agité, nerveux. Effets clippesques énergiques d’un côté, montage saccadé de l’autre, 127 Hours revêt l’allure épileptique des trips hallucinés et offre une leçon de vie d’un réalisme affolant. Split screen pour mieux capter la schizophrénie grandissante d’Aron, soundtrack décalé pour rehausser l’horreur de la chose ; Boyle ne balance rien au hasard et puise chez son acteur (impressionnant James Franco) un mélange parfaitement adéquat de détresse et d’audace pour insuffler à son œuvre un intérêt tout aussi cinématographique qu’humain.
Sortie France: 23 février 2011.