L'homme du bus n'a pas toujours été l'homme du bus.
Il n'avait jamais rien demandé avant l'homme du bus,
Et cela n'a pas changé, dans la rue,
Il ne demande rien,
N'accepte pas même un clopot, un paquet de tabac à rouler, ni un thermos de café chaud,
Non, il ne veut rien,
Il veut peut être la paix, lui qui l'a souhaité, lui qui en semé la discorde aussi dans sa vie d'avant …
Sa vie d'avant se résumait à peu de choses en somme,
Travailler du lundi au vendredi midi, aller au café avec ses potes, jouer au loto le dimanche midi sous une tournée de boissons anisées, rentrer le plus souvent ivre, toujours un peu à la dérive, toujours être sur le fil comme un équilibriste, mais l'homme du bus était un débutant et à chaque foulée de ses pas, il pouvait tomber, et dans la vie, dans la vraie vie, il y a rarement de filets …
Il fait beau,
Il fait froid,
Il fait très chaud,
Il fait très froid et l'homme du bus aura toujours les mêmes effets personnels sur lui, sa canadienne, hiver comme été, automne comme au printemps il l'a portera, confortable mais sale , elle peut cacher des trésors pour l'homme du bus, un paquet de gitanes récemment acheté avec les sous qu'il a à la caisse d'épargne depuis le décès de sa mère,
Il pourrait se loger, dormir au chaud, manger , se laver,
Oui, mais quand les hommes des rues , les hommes des bus, les femmes guerrières connaissent la rue, il leur est difficile de revenir en arrière, retrouver un logis peut être un enfer, l'enfermement, la peur au ventre de se faire dépouiller comme dans la rue, alors, une couverture, un lit confortable, un frigo rempli, un interphone, une douce moquette où on peut faire délivrer les pieds qui ont tant marché , ne rassurent pas,
Oui, le confort ne rassure pas quand on devient SDF,
C'est peut être pour cela qu'au bout d'un moment, les hommes préfèrent rester dans la rue, même à se priver de faire l'aumône, ce qu'ils demandent,
C'est qu'on leur fiche la paix,
Et puis certains se figent dans le paysage, pire, ils ont les yeux des passants,
Regards vitreux, inexistants, pour eux-mêmes comme envers les passants, ils sont morts et n'intéressent personne, alors, ceux-là chassent le temps comme ils peuvent, ils dorment.
Les passants s'en moquent, font parfois un écart en grognant pour ne pas les réveiller, ou plus pour ne pas les toucher, la misère c'est comme le Sida chez ces gens là, c'est souvent contagieux …
L'homme du bus n'a pas de chien, il ne veut personne dans sa galère, pourtant un chien , c'est fidèle, amoureux et comprends tout de l'homme qui l'a pris comme ami. Mais même d'un chien, il n'en veut pas.
Seul sur ce banc impersonnel, il visionne le monde et se créé le sien.
Il n'est ni malheureux, il n'est ni bien. Il regarde le monde c'est tout et se demande parfois comment il a pu en arriver là …..