L’élévation d’Axel Weber au poste de président de la Banque centrale européenne a longtemps semblé devoir être une formalité, un pas naturel en direction d’un euro « de langue allemande ». Les nouvelles de jeudi ont donc pris bien du monde par surprise, y compris le chancelier Merkel et les marchés. Apparemment, le gouverneur de la Banque centrale fédérale allemande a décidé de se retirer de la course parce que, d’après les paroles d’un officiel européen cité par le Wall Street Journal, il a « d’autres plans ». Certains journaux suggèrent que ces fameux plans pourraient inclure un poste au sommet de Deutsche Bank.
La situation est assez confuse. D’après des sources à la Bundesbank, Weber pourrait tout de même vouloir être en course comme président de la BCE. Weber lui même a déclaré ne pas souhaiter faire de commentaires tant qu’il n’a pas discuté de cette question avec Merkel. Mais d’après nous, Weber a jeté l’éponge.
En premier lieu, il n’a pas beaucoup d’amis dans les pays de la périphérie de l’UE. C’est un opposant féroce (et vocal) au rachat par la BCE des obligations pourries de la Grèce, de l’Irlande et compagnie. Et il est probablement impatient de relever les taux d’intérêts pour combattre l’inflation, parce que, en fin de compte, c’est à ça que sert la BCE. Mais une telle politique serait un poison pour les économies vulnérables de la zone euro, qui essaient de rebondir après la chute de leurs économies.
L’Allemagne pourrait aussi avoir décidé que sacrifier la présidence Weber à la BCE était le prix à payer pour le retour de la France comme soutien du « pacte de compétitivité ».
Et maintenant ? Il se dit que Merkel manque d’un plan B. La seule alternative viable serait Klaus Regling, le président de l’EFSF, mais il n’a aucune intention de quitter son poste actuel.
On peut présumer que Sarkozy aurait envie de remplacer Trichet par Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France. Ou peut-être le président du FMI Dominique Strauss Khan (neutralisant du même coup un rival potentiel pour l’élection présidentielle de l’année prochaine). Mais la nationalité est importante, et il est très improbable qu’un autre Français soit nommé à la place de Trichet.
L’Italien Mario Draghi, a donc émergé comme le candidat le plus fort. Il a fait un boulot décent pour protéger les banques italiennes de la crise, et sa réputattion internationale comme président du conseil de stabilité internationale est à la hauteur. Il est aussi considéré plus diplomatique que le faucon Weber.
Toutefois, son passé chez Goldman Sachs pourrait jouer contre lui. De plus, en tant que président de la BCE, Draghi se retrouverait aussi à la tête du conseil eruopéen du risque systémique, le nouveau gardien de l’UE en charge de la supervision macro-prudentielle. Mais l’Italie s’est déjà assurée de la présidence de l’autorité bancaire européenne (Andrea Enria). Il y a quatre nouveau superviseurs financier dans l’Union Européenne, et donner deux de ces postes de président à l’Italie pourrait être trop, surtout que le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France n’en auraient aucun.
En d’autres mots, la situation reste fluide. Trichet quitte sa tour en octobre, et ce qui est clair, c’est que la zone euro ne peut pas se permettre une bagarre au sujet de sa succession.
Repris du blog d’Open Europe avec l’aimable autorisation de ses responsables.