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Déposés mes aphorismes de l’aube, sur les murs où se répandent les murmures virtuels.
Le monde tourne mal, et l’humain, sans corps, n’est plus que frêle écran offert aux regards voraces. Je ne suis qu’une ombre parmi les ombres. Mon indignation ne vaut pas grand-chose, murée qu’elle est entre les barreaux des mots.
Ainsi va notre existence qu’hier nous serions tous descendus dans les rues pour hurler notre colère, contre la barbarie des expulsions sans nombre et sans pitié, contre la répression d’une jeunesse unanime dans son rejet de gouvernements corrompus, vendus aux pires vandales que l’humanité puissent connaître.
Ceux-là s’arrogent le droit et le pouvoir de piller le bien commun, pour leurs seuls grossiers appétits. Ils nous condamnent d’avance aux travaux forcés d’une vie, privée de tout espace de liberté, de dignité.
Ils sont là, derrière les cars bleus horizon, et comptent les rentes de leurs mauvaises actions, en milliards volés à ceux qu’on matraque, expulse, insulte.
Cemonde là ne mérite que mépris qui rend coupable de complicité la grande majorité des silencieux qui n’agiront pas, convaincus de leur défaite, devant le mur de l’argent roi.
Les temples de ces dieux ont un nom et des prêtres : bourses et gouvernements. Les gardiens du temple sont casqués et bottés, armés jusques aux dents d’un attirail liberticide.
Une internationale du mépris visse le couvercle du profit sur nos têtes accablées de fatigue.
*
Ne restent que les mots, éparpillés sur une toile sans âme, pour encore porter quelques bribes d’espérance. Une fois prononcés, c’est l’échine courbée que je m’en vais arpenter les trottoirs d’une ville qui ne dit plus rien, fait semblant de vivre en se défiant de toutes les contestations.
Le moule à penser nous enferme. La richesse corrompt les âmes les plus nobles.
Il ne faut pas ces mots pour percer les travers d’une censure qui ne dit plus son nom. Car elle a pris les traits d’une autocensure pire que le masque d’Anastasie.
Il reste la boutade et l’humour en dernier rempart avant naufrage.
Le capitaine a déjà quitté le navire, sa valise de billets sous le bras, laissant femmes, enfants, vieillards et marins, à l’assurance du naufrage.
Il ira déposer sa fortune mal gagnée, en quelque paradis dont il aura conservé les clefs.
Y aura-t-il seulement des survivants ?
Car à trop se taire, à nier l’évidence du naufrage, on tue l’espoir même de sauver quiconque.
*
Tu pourras toujours faire comme si
Tu pourras toujours faire comme ça
Tu pourras toujours
Main sur ton cœur flétri
Clamer ton innocence
Même si le ciel se remet au bleu, ceux infligés à nos âmes ne cesseront de pleurer.
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Manosque, 8 janvier 2011
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