La braise et l’humus
Rien n’est changé de mon destin ma mère mes camarades
le chagrin luit toujours d’une mouche à feu à l’autre
je suis taché de mon amour comme on est taché de sang
mon amour mon errance fait mes murs à perpétuité
un goût d’années d’humus aborde à mes lèvres
je suis malheureux plein ma carrure, je saccage
la rage que je suis, l’amertume que je suis
avec ce boeuf de douleurs qui souffle dans mes côtes
c’est moi maintenant mes yeux gris dans la braise
c’est mon coeur obus dans les champs de tourmente
c’est ma langue dans les étages des nuits de ruche
c’est moi cet homme au galop d’âme et de poitrine
je vais mourir comme je n’ai pas voulu finir
mourir seul comme les eaux mortes au loin
dans les têtes flambées de ma tête, à la bouche
les mots corbeaux de poème qui croassent
je vais mourir vivant dans notre empois de mort
(Gaston Miron)