Bonjour aux vivant(e)s
Pensées pour les mort(e)s
Bonjour aux zotres
Le prix Qd9 2010 a eu différents mérites, l’un d’entre eux étant de me permettre de lire enfin des romans de trois auteur(e)s que j’avais envie de découvrir depuis un moment et dont des romans attendaient sagement chez moi que je me décide à les ouvrir… Laurent Gaudé était l’un d’entre eux. Si 5 de ses livres squattaient les rayons de ma bibliothèque (en double pour certains), j’ai bel et bien été obligée d’acquérir La porte des enfers, titre choisi par Liliba. Je n’ai pas été vraiment convaincue par ce roman mais il m’a donné envie d’en lire très vite quelques autres de cet écrivain.
Le sujet
L’histoire se passe à Naples à ceux époques distinctes. Au début des années 2000, un homme en agresse un autre par vengeance. Au cours de l’année 80, un enfant de 6 ans est tué d’une balle perdue au cours d’une fusillade laissant ses parents aux prises avec une douleur immense et ravageuse.
Mon avis (spoilers en vue)
Une fois n’est pas coutume, cet avis évoque un point capital du contenu de l’intrigue car c’est cet élément qui motive en grande partie mon avis très mitigé sur le livre.
J’ai dit à maintes reprises sur ce blog que je n’aimais pas les mélanges de genre et le principal reproche que je peux adresser à ce livre et qui explique largement (mais pas uniquement) que je n’ai pas véritablement été accrochée et encore moins bouleversée par ce récit tient à ce parti-pris de l’auteur de plonger brusquement dans le fantastique à peu près à la moitié du roman en même temps qu’il plonge un de ses personnages dans les entrailles de la terre à la recherche de son fils mort.
Je m’attendais à un roman sur le deuil, sur la douleur, sur les ruptures et la folie qu’elle peut susciter. Je n’avais pas imaginé une seule seconde que le titre du roman est donc à prendre au premier degré. J’ai franchement détesté toute la partie infernale du roman. Au-delà du fait d’adhérer ou non sur le fond à cette descente aux enfers choisie par l’auteur (soit, pourquoi pas, c’est son choix), je l’ai trouvée ridicule sur le fond, plate et incohérente, truffée de non sens et sans le moindre intérêt analytique ou métaphysique.
Je suis convaincue que l’ensemble du récit aurait été tout aussi efficace sinon plus si, par je ne sais quelle ellipse (que certain(e)s auraient peut-être taxée de facilité ou jugée frustrante), l’auteur nous avait épargné ces 50 interminables pages dégoulinantes de non-sens et désespérantes de glauquitude.
Et là je touche à un paradoxe que j’ai moi-même du mal à analyser. J’ai souvent coutume de dire que j’aime la noirceur, la cruauté, l’amoralité, le cynisme, la violence en littérature. C’est ce qui m’a plu notamment chez Malaparte, Gunzig, Derey, Calaferte, Ellroy et beaucoup d’autres auteurs. Alors pourquoi ai-je détesté la vision si désespérée des enfers par Gaudé ? Au moment où j’écris cette question, je crois saisir la réponse : le pathos.
Les entrailles de la terre sont sensées puer le souffre mais celles de Gaudé sentent paradoxalement la guimauve et l’artifice. Si les enfers selon Gaudé étaient juste froids, inhumains, désespérants et glauques, j’aurais sans doute pu m’intéresser à leur description (quoique) mais je pense que ce qui me les a rendu insupportables c’est, d’une part, le côté excessivement descriptif de la chose façon visite commentée sous forme de questions-réponses (« mais là, que font-ils ? et maintenant qu’est-ce qui se passe ? d’où vient ce bruit ? et pourquoi ? et comment ? » un peu comme quand un car de touristes arrive dans une fabrique pseudo artisanale de tapis turcs où le guide commissionné sur les ventes se met en devoir de répondres aux questions les plus creuses) et, d’autre part, la dimension larmoyante et dégoulinante de souffrance de tout cela. La surabondance d’effets à finalité lacrymale me gonfle et que les morts souffrent m’insupporte doublement :
- En temps qu’athée résolue d’une part qui pense qu'un corps n'est qu'un corps,
- En temps que baptisée qui se souvient de ses leçons de catéchisme d’autre part, j’ai le souvenir que la foi permet de croire en un monde meilleur.
L’éternité selon Gaudé n’est donc pas une partie de rigolade (et pas nécessairement si éternelle que ça d’ailleurs) et au vu de ce qu’il imagine après le trépas, je m’étonne sincèrement qu’il ait songé à dédier de roman à tous ses morts afin de les distraire dans l’au-delà. Car franchement, dans certaines pages, il y a de quoi donner un coup de calcaire au plus froid des macchabées !
De mon point de vue, les plus beaux passages du roman sont situés au début du roman et concernent la douleur parentale et la rupture induite par le drame familial. Ensuite, ça se gâte nettement et les imprécations et mutilations maternelles m’évoquent plutôt la grandiloquence surannée de certaines tirades des débuts du cinéma parlant que la sincérité d’une émotion nue.
Quelques liens
Paperblog évoque diversement ce roman et son auteur
Liliba a sélectionné ce titre dans le cadre du prix Qd9 2010.
Conclusion
Pas mortellement ennuyeux mais loin d'offrir des heures de plaisir paradisiaque.