Césaire et Senghor avaient inventé la négritude. Lui s’était fait chantre d’une autre théorie : le Tout-monde. « Lui », c’est bien sûr Edouard Glissant (photo), dont on a appris la semaine dernière le trépas. La mort est pour moi l’énigme insoluble : celle qui assombrit le beau jardin de la vie, celle qui fait taire brusquement la belle musique de l’Etre qu’on aimait, qu’on touchait, qu’on vénérait, qu’on taquinait. Mais, heureusement, le Christ des évangiles auquel je crois m’assure par ces mots : « Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra. » Ô douce consolation ! Glissant n’est donc pas mort. Il vit. Il continue à nous bercer par des rimes de beauté. Car chez c’est cet homme, à la voix mielleuse, chevrotante, tenace, il y avait un formidable jaillissement. Une poétique qui invitait le « moi » de chacun à aller à la rencontre de l’Autre. Une langue qui domptait les cloisonnements, les hermétismes, les barbelés, pour un festin avec l’universel. Le monde de Glissant était Rencontre, était Relation, était Dialogue, était Dépassement. Que les anges d’en haut accueillent suavement cet orfèvre, ce Martiniquais, ce cousin, que je chante de tout mon cœur.