Avec la théorie du gender, une véritable déferlante s’abat sur la France et l’Europe, dans une indifférence quasi générale. En juin dernier, l’IEP de Paris annonçait un enseignement obligatoire sur les gender studies pour septembre 2011. Début janvier, l’IUFM de Nice organisait un colloque sur “Filles et garçons au sein de l’institution scolaire” avec une place de choix pour ces études.
Cette théorie née aux États-Unis s’est développée dans les années 1990. Mais c’est vraiment la 4e conférence mondiale sur les femmes, organisée par l’Onu en 1995, qui a imposé ce concept dans le vocabulaire international, largement relayé au Parlement européen. Cette théorie est une véritable révolution anthropologique dont l’objectif est de repenser les rapports homme-femme à partir d’une déconstruction de leur identité. Ce mouvement succède à deux courants féministes : l’égalitarisme où la femme prend comme modèle l’homme pour s’affranchir de sa domination, et le différentialisme qui exalte les différences entre les sexes au mépris de ce qui est commun, c’est la revendication des droits de la femme et la guerre des sexes. Ces deux courants avaient encore un aspect pratique car leur but était d’obtenir par la loi l’égalité des droits (droit de vote, égalité salariale…).
Avec la théorie du gender, un nouveau courant idéologique apparaît. Une partie des féministes radicales, notamment dans leur composante lesbienne, ne sont pas satisfaites de l’égalité des sexes et de la parité. Pour elles, l’égalité et la parité sont un leurre car elles supposent une distinction entre les sexes, synonyme d’inégalité et de la domination de l’homme sur la femme. Leur féminisme s’inspire d’un mélange de néomarxisme, de structuralisme et d’existentialisme : d’une part, la dialectique dominants-dominés ; d’autre part, la déconstruction des stéréotypes imposés par la culture. Admettre la différence des sexes, c’est admettre la complémentarité des sexes, la domination patriarcale, donc l’oppression et l’aliénation de la femme.
Chez Judith Butler, la grande théoricienne du gender, la définition du genre est une construction sociale et culturelle au service de cette domination. Son livre, traduit en 2005 en français, s’intitule Trouble dans le genre, pour un féminisme de la subversion. Judith Butler affirme vouloir penser ensemble « le féminisme et la subversion de l’identité ». En d’autres termes, elle entreprend de définir une politique féministe qui ne soit pas fondée sur l’identité féminine et précise, dans son introduction, son objectif : déstabiliser « l’hétérosexualité obligatoire » pour repenser l’organisation sociale selon les modèles homosexuels et transsexuels. L’hétérosexualité sert la domination de l’homme. Il faut y mettre fin en supprimant les concepts d’homme et de femme et imposer un nouveau genre fondé sur les orientations sexuelles et non sur l’identité sexuelle : « Les femmes ne seraient pas opprimées s’il n’existait pas un concept de femme. »
Le deuxième point d’appui de la théorie, c’est l’opposition entre nature et culture. La société de la personne capable de créer des relations avec son semblable est remplacée par la société de l’individu qui se choisit ses vérités, ses intérêts et ses plaisirs. L’individu postmoderne doit se créer lui-même. C’est son droit le plus fondamental : « le droit à être moi ». Or la nature lui impose d’être homme ou femme. Accepter cette dictature, c’est refuser d’être libre. Se considérer comme homme ou femme, c’est refuser de se construire soi-même. Et pour la femme, c’est refuser de s’affranchir de la domination de l’homme. Ainsi, l’individu serait mieux caractérisé par son orientation sexuelle choisie que par son identité sexuelle comme donnée biologique, donc de nature.
On entrevoit aisément les conséquences de cette idéologie pour notre vie sociale. Après avoir déconstruit la différence sexuelle, il est nécessaire de déconstruire le couple, la famille et la reproduction. Pour les gender feminists, le couple doit être choisi. La famille fondée sur le mariage monogamique, comme survivance de la domination de l’hétérosexualité, devient polymorphe (bi, pluri, homo, monoparentalité…). La filiation se décline : filiation biologique, intentionnelle, juridique, sociale. L’individu fait son choix dans ce grand marché libertaire. Et enfin, la reproduction doit évoluer. Les techniques permettent une reproduction asexuée (AMP, mères porteuses, utérus artificiel…) et les révisions des lois de bioéthique sont une opportunité pour obtenir satisfaction. Dans ce grand bouleversement, la loi enregistre les revendications individuelles et crée de nouveaux droits arbitraires et déconnectés du bien commun et de la stabilité de notre communauté humaine.
Il est urgent de réagir. C’est la mission que s’est donnée l’Alliance pour un nouveau féminisme européen : analyser et informer pour construire une société pacifiée, fondée sur le respect et la coopération plutôt que sur la rivalité et la compétition. Il s’agit bien de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, égaux en droits et d’une égale dignité.
Elizabeth Montfort, ancien député européen, présidente de l’Alliance pour un nouveau féminisme européen
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