Depuis 1997, Elisabeth Bourdon a entrepris un travail où elle expérimente un certain nombre de pratiques liées à la problématique de la couleur allié à la sensualité de la touche.
Ses tableaux sont les témoins de cette recherche, ils sont le produit d’une quête dont elle ne connaît pas l’objet et lui permettent de se situer en temps que sujet.
Elle aime se laisser surprendre par son travail. Interrogeant les données tactiles et la sensorialité donnée par la touche, elle est en équilibre entre sa propre volonté et les contingences qu’offre le tableau se laissant guider par la sensation pure. La seule règle qu’elle s’est donnée est le respect du carré qui permet d’éliminer tout ce qui est de l’ordre de la composition. L’enjeu est le travail des unités de carré dans des carrés au profit de l’équivalence de morceaux de couleurs, entre l’unité et la totalité. Le travail se construit autour d’une sorte de conquête du territoire où la part de l’aléatoire est capitale, sorte mise en scène de rencontres de couleurs, des entre deux, pour générer une sensation colorée. C’est une quête constante d’un au-delà de ce qui peut être donné à voir. N’y voir que des carrés est réducteur!
Je laisse la parole à :
Jean Jérôme
Enseignant en arts plastiques
C’est par la couleur que tout a re-commencé. Depuis plus de dix ans Elisabeth Bourdon converse, par « tableaux-objets » interposés, avec la couleur et ses infinies possibilités. Ses peintures ont un caractère positif par leur exploration systématique du champ chromatique qui convie le spectateur à balayer un vaste lexique où séries, variations et séquences font office de protocole. Il y a une posture éminemment didactique derrière ces énoncés picturaux.
La peinture d’Elisabeth Bourdon nous rappelle qu’indépendamment de son caractère effusif, la couleur est langage, apprentissage et maîtrise. La musicalité qui peut en sourdre est à ce prix. Mais règles et méthodes sont toujours à transgresser. C’est donc avec une grande liberté que le peintre entame ce dialogue avec ces illustres prédécesseurs : Wassily Kandinsky, Paul Klee, Josef Albers.
De l’un elle conserve le carré, comme forme élue. Le carré, de par l’égalité de ses côtés, exclut le hors champ et la couleur « débordante » La couleur est, ici, tenue, sinon retenue. Tous se passe à l’intérieur du format, seuls de légers faisceaux colorés peuvent en ceindre le contour, selon le milieu et l’éclairage ambiant.
De l’autre, elle retient les subtilités que permettent les associations colorées. Le peintre a un goût prononcé pour le « quasi » monochrome avec des écarts de tons ténus. Ceci n’exclut pas pour d’autres expérimentation, les jeux de complémentarités, voire des harmonies dissonantes.
D’un troisième, elle hérite de cette inclination pour les qualités « d’opacité ». Peinture qui se touche du regard par l’excitation du nerf optique.
Voilà résumé ce en quoi cette peinture est héritière d’une histoire de l’art et, plus spécifiquement d’une histoire du tableau érigé comme objet autonome.Enfin, pour ne pas conclure et ouvrir le champ des possibles, la quête menée par l’artiste va au-delà des énoncés formels qui précèdent. Aussi, je souhaite au regardeur de ces œuvres de s’intéresser à chaque tableau et de cheminer ainsi de salle en salle afin d’éprouver toutes les sensations et vibrations proposées. Que chacun imagine son propre voyage.
Au musée des Beaux Arts de Mulhouse jusqu’au 27 mars 2011