J'appareille pour un lendemain à coups sûrs. Je me lance dans le néant de l'inconnu comme une bille tombe dans la fente. Arrêter de penser. Pour mieux vivre un peu de chair et d'eau fraîche. Me rendre aux quatre coins du monde pour sentir les parfums, avec chaque détail de moisissure, chaque fécule de terre morte, sur la côte, dans la vallée, juché sur la pente aux éboulis. Une grande fugue comme on en a jamais entendue. Une pièce qui n'est pas au répertoire, une fracture musicale sur les pays que je ne connais pas et qui plongent leur tête dans l'infini.
J'ai l'espoir de me retrouver face aux Dieux.
Nous partons ensemble dans le bleu. Le craquement des pierres nous accueillera dans l'île et il y aura des rires brillants jaillissant des taillis. Je ne saurai où regarder tant la luminure de notre île sera parfaite. Mais elle ne sera pas triste et molle comme ces îles organisées. Elle aura son âme toute décapée. Elle sera usée à la corde par les pieds des légions humaines. Mais tranquille et délaissée, abandonnée du rêve, sortie de la bulle.
Nous irons ensemble par le bois hérissé. Il ne nous comprendra pas, mais nous nous en balancerons. Nous irons de droite à gauche dans les airs de la forêt piquante et sèche. Nous éviterons ses pièges dorés. Peut-être le Cerf de Némée (ou était-ce un lion ?), se montrera-t-il le museau humide.
Ce sera comme une cage dans laquelle nous entrerons de plein gré. Mais nous nous y loverons comme dans une douceur descendue des cieux. Nous saurons trouver sa gentillesse saignante.
Nous en sortirons vivants et plus neufs, écallés de notre vide passé.
Nous aurons le bonheur ivre des enfants pris au jeu. Et nous irons par les labyrinthes, célébrants les fêtes oubliées sans que personne ne le sache vraiment.
Je pars. Tu pars. Entre nous tient l'équilibre parfait du vent, de la mer et du soleil.
Les Dieux nous connaissent.