Les principaux dirigeants de mon ex-administration, la « DGT » direction générale du travail ne m’aimaient pas, c’est le moins qu’on puisse dire. Jean-Denis Combrexelle, celui qui la dirige est une sorte de « Besson du droit du travail ». Nommé par la gauche en 2001, il a fait le travail de la droite avec un tel zèle que celle-ci l’a gardé et n’a cessé de faire son apologie. Il faut lire les compliments de Xavier Bertrand envers Jean-Denis Combrexelle pour comprendre combien celui-ci s’est dévoué à l’UMP, aplati devant le Medef, illustré dans la « recodification » du Code du travail prétendument à « droits constants ». Il faut apprendre dans « Liaisons sociales » que le même Jean-Denis Combrexelle dînait chaque mois avec Denis Gauthier-Sauvagnac, l’homme de la caisse noire de l’UIMM, constituée d’argent sale à hauteur de 600 millions d’euros pour « fluidifier les relations sociales »…
Il faut dire que nous avons eu des ministres « gratinés » : Fillon, Larcher, Bertrand, Hortefeux, Darcos. Gérard Larcher, ministre en exercice, en mars 2005 alla jusqu’à déclarer : « Il y en a assez que dans ce pays, des oulémas de la Cour de cassation donnent des interprétations salafistes des temps forts du code du travail ». (convention UMP mi mars 2005)
Face à un tel esprit dominant, que faire quand on veut garder la dignité de nos missions ?
Ils ont changé tout le « management » de l’inspection à l’occasion de la création des DIRRECTE, nouveaux organismes, fusion des départements et des régions, DDTEFP et des DRTEFP, construction bâtarde et mixte chargée d’affaiblir les fonctions régulatrices de contrôle de l’état.
Ceux qui étaient chargés de la prise en main, à cette occasion, des services de l’inspection du travail n’étaient plus des anciens contrôleurs et inspecteurs, mais des technocrates ignorants du métier, nommés par le haut, et n’ayant qu’une vue statistique aux ordres des tâches à accomplir. Il s’agissait de bloquer l’indépendance du corps de l’inspection prévue par l’OIT, de limiter ses missions, d’en faire des visiteurs techniques, guidés, dépassionnés, appliquant la « politique-travail » édictée par le ministère, celle de « conseillers des employeurs » et non plus un corps de fonctionnaires indépendants chargé de sanctionner la délinquance patronale.
Pour m’être opposé haut et fort à la politique du ministère de droite lorsque celui-ci fit silence sur l’assassinat de nos deux collègues à Saussignac en Dordogne le 2 septembre 2004, pour m’être opposé pied à pied à la « recodification » technocratique, sournoise, silencieuse, manipulée, du Code du travail, et pour avoir « continué de m’exprimer dans les médias » en dépit des rappels à l’ordre de leur part, ils n’ont cessé de 2003 à 2010 de me poursuivre de leurs inquisitions et menaces, allant jusqu’à casser de façon partisane – injustifiée – mes décisions dans l’exercice de mes missions. (cf. affaire Guinot et « nouveaux carnets d’un inspecteur du travail »)
Ils m’ont barré la route vers toute promotion, et m’ont même, les sept dernières années, enlevé toutes mes parts de primes.
Le DGT Combrexelle a créé les conditions, de 2007 à 2008, en soutenant un patron douteux, mais sans doute de ses proches amis, pour que je sois mis en examen et envoyé en correctionnelle dans une affaire parfaitement abracadabrantesque. Jean-Denis Combrexelle est même celui qui, alors que le juge d’instruction abandonnait l’accusation « de chantage envers un CE » (sic), l’a relancée par une lettre d’une agressive mauvaise foi en direction du procureur, celui-ci y trouvant l’argument pour un « réquisitoire supplétif » pour « entrave à un CE » (sic) (précisons que ledit CE n’avait pas été consulté !). Ils sont même allé, de façon inouïe, éhontée, jusqu’à me refuser, sans être capable de le motiver, la « protection fonctionnelle » qui couvrait mes frais de justice et qui m’était naturellement due.
Jean-Denis Combrexelle était allé aussi en 2008 jusqu’à me convoquer dans son bureau, par-dessus toute hiérarchie, (fait sans précédent dans l’histoire de l’inspection du travail) pour me menacer disciplinairement, affirmant que « je ne travaillais pas », et que je donnais la priorité à mes « activités extérieures ». Il m’avait affirmé : « Des millions de Français voient l’inspection du travail à travers vous, hélas ! » (sic).
Il m’avait, tout en supprimant mes primes, placé sous surveillance, mes dossiers étant épluchés, contrôlés, surveillés en permanence – de façon un peu vaine et ridicule puisque j’avais l’appui enthousiaste des salariés de mon secteur qui faisaient appel à moi, et qu’ils ne trouvèrent pas matière à instruire une procédure disciplinaire (s’ils avaient eu matière, ils ne m’auraient pas loupé…).
Il faut savoir que l’inspection du travail est un petit « corps » et que ces gens qui la dirigent, se comportent comme une petite secte directionnelle qui répand les rumeurs, diffuse les excommunications, lance des accusations sans droits pour la défense…Sous Sarkozy, ce sont les « chefs » les plus serviles, les plus droitiers qui ont progressé dans les postes hiérarchiques, zélés, avides de faire régner l’ordre néolibéral, peu soupçonnables de vouloir vraiment que l’inspection du travail combatte le développement de la délinquance patronale.
Alors faute d’avoir une prise réelle contre moi, ils ont diffusé des calomnies sur mon activité et tenté d’organiser plus ou moins l’hostilité de mes collègues : le directeur de l’INT (institut national du travail) accueillit en 2003 la promotion des inspecteurs élèves, en introduisant dans son discours liminaire : « On va vous former comme de vrais inspecteurs du travail, pas des gérard filoche » (sic). Les jeunes reçus au concours, pour une large part ne devaient pas savoir qui j’étais : mais en 18 mois de formation, ils l’apprirent et le résultat c’est moi qu’ils choisirent d’inviter pour… clore leur session. Cela recommença quatre fois en 6 ans. Jean Denis Combrexelle ne put s’empêcher à son tour de dire aux élèves inspecteurs (IET), qu’on allait les « former vraiment et pas comme » des « Simon le juste », (du titre d’un feuilleton avec un inspecteur du travail diffusé en 2003 sur France 3). Encore récemment, l’adjoint du DGT, accueillit les contrôleurs du travail, en janvier 2011, expliquant que « ceux qui parlent le plus fort ne sont pas ceux qui travaillent le plus » rajoutant « mais celui dont je parle n’est plus dans les services ».
À croire que les attaques nominales de la DGT contre ma modeste personne, produisaient chaque fois l’effet inverse, puisque le 27 janvier 2011, je fus invité encore, tout jeune retraité, à l’INT par la dernière promotion. Ils étaient tous là : 60 sur 60 quasiment.
Que dire à de jeunes inspecteurs du travail qui vont prendre leur poste en mars 2011 ? “ - Tenez bon ! “
Le sarkozysme a été un très mauvais moment, destructeur, à passer, mais on va en voir la fin ! Le droit républicain va pouvoir reprendre le dessus sur les apologistes intégristes du marché. La « main invisible du marché », c’est le pseudonyme des spéculateurs et des banksters qui veulent, pour tirer le maximum de profit des salariés qu’ils exploitent, détruire le plus possible le Code du travail.
On va donc bientôt remplacer « la main invisible du marché » par « la main visible de la démocratie ». On va rétablir l’état de droit dans les entreprises. La République va être de retour face à la sauvagerie réactionnaire du Medef. On va stopper l’engrenage infernal de l’exploitation, du management féroce, de la souffrance au travail, de la précarité, de la discrimination, de l’arbitraire, de la chasse aux sorcières syndicales, de la destruction du code du travail, de la médecine du travail, des prud’hommes, de la protection sociale, des bas salaires…
Et vous jeunes inspecteurs, on le sait, vous avez dû subir, 18 mois durant, une formation « managériale » idéologiquement façonnée pour faire de vous des pions de l’ordre néo-libéral.
Mais vous faites un métier fantastique, extraordinaire, un des plus intéressants, passionnants : vous avez le droit de rentrer à toute heure du jour et de la nuit dans les entreprises et de contrôler les employeurs. Ce sont eux qui trichent, qui dissimulent un milliard d’heures supplémentaires qu’ils volent à leurs salariés pour augmenter sans cesse leurs marges bénéficiaires. N’ayez pas peur des « cris » patronaux qui se plaignent de la crise : jamais leurs profits n’ont été aussi énormes. Jamais la France des actionnaires, jamais la France exploiteuse n’a été aussi riche. Jamais les richesses produites par les salariés n’ont été aussi mal redistribuées. Jamais les salariés n’ont eu autant besoin de protection. Jamais le code du travail n’a été aussi nécessaire, il doit être reconstruit, renforcé, et vous serez là pour le faire appliquer effectivement contre la délinquance patronale massive qui s’est accrue ces dernières années. Vous savez tous qu’un restaurant sur quatre use de travail dissimulé. Vous savez comment les fortunes des majors du bâtiment se sont édifiées sur la fausse sous-traitance, le travail dissimulé, les sans papiers délibérément surexploités. Vous savez vous, à force de els visiter la réalité des entreprises. Vous savez ce qu’est l’extension des maladies professionnelles, des TMS et des AVC, des RPS, le harcèlement, les licenciements abusifs…
Alors vous n’allez pas vous plier aux ordres des petits chefs serviles des nouvelles DIRRECTE, vous êtes titulaires, protégés par la convention de l’OIT, vous avez pour « mission d’alerter les gouvernements en place sur le sort qui est fait aux salariés », allez-y !
Vous êtes indépendants mais pas neutres ! Vous n’êtes pas là pour conseiller les employeurs mais pour les contrôler et les sanctionner quand ils fraudent !
Vous n’êtes pas des conseillers, vous êtes la police des patrons ! Il en faut une, déterminée, sérieuse, entêtée, efficace ! Vous êtes des experts contre les infractions, les trucages, les délits patronaux. Syndiquez vous, soyez solidaires.
Vous n’êtes pas impartiaux : ce sont les patrons qui sont assujettis au Code du travail, pas les salariés ! Parce que les salariés sont subordonnés, ils ont droit à une protection juridique, économique et sociale ! Vous ne pouvez tolérer les discriminations antisyndicales, ni le fait que les IRP soient piétinées.
Vous êtes là pour, lorsqu’ils sont foulés aux pieds, rétablir les droits, la dignité de ceux qui produisent les richesses de notre pays. On n’est plus au Moyen Age. On est, on veut être dans une République citoyenne !
Laurence Parisot a osé dire que « la liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail » : elle n’a pas encore payé le prix de cette phrase, elle devrait être couverte de honte. Il faut que vous contribuiez à lui faire rendre gorge, jusqu’à ce que pareille idée soit intolérable.
Le code du travail est essentiel, il est fait de sueur et de sang, de luttes et de larmes, il est dénigré, méconnu, fraudé, c’est un droit intime, quotidien, pour des millions de salariés. Vous êtes le bras armé de la répression pour le faire appliquer. Ne voyez pas votre mission avec distanciation mais avec passion.
On a voulu vous apprendre pendant 18 mois à être des technocrates, juristes froids et statisticiens soumis, fonctionnaires obséquieux, soyez engagés. Votre métier à un vrai sens, soyez en fiers !
Et si vous vous heurtez à la bureaucratie servile de la DGT, dites-vous que vous avez le choix : si vous y perdez des parts de primes sachez que vous y gagnerez des parts d’estime de vous-mêmes !