Instrumentalisation

On sait, depuis Toqueville, qu’une démocratie a besoin, pour fonctionner à peu près correctement, d’une séparation des pouvoirs. On sait aussi que la Justice est un des pouvoirs dont a besoin une démocratie. L’instrumentalisation de la justice, façon Sarkozy, prend appui sur quatre piliers:

- Les nominations de membres du Parquet aux ordres, généralement parce que plus ou moins encartés Ump, dans les circonscriptions judiciaires sensibles: celles des gros délits financiers (pour les amis du 1er cercle) et des grosses affaires crypto-politiques (au bénéfice de l’Ump et au détriment des autres). Ces nominations ont toutes été effectuées, dès le lendemain de l’élection présidentielle, au mépris des décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature. Et on a pu voir, par exemple, le zèle du Procureur de Nanterre lors de l’affaire Woerth-Bettencourt.

- Systématiquement, surfant sur l’émotion, à chaque fait divers un peu horrible, tels des charognards,  le Président et la clique: B. Hortefeux (le double délinquant), E. Ciotti, F. Lefebvre, C. Estrosi, …., s’en prendre au laxisme, à l’incompétence, … des magistrats, précisant lourdement que, eux, se préoccupaient des victimes. Rajoutez-y les phrases présidentielles sur “les petits pois”, sur la nécessité de “jurys populaires” pour le Correctionnelle, et vous comprendrez la pression constante exercée sur la magistrature. 1) Vous tenez un langage résolument sécuritaire en toutes occasions, notamment lors de tout crime abominable (jeunes femmes, vieilles dames, enfants, …), 2) Malgré le trucage des statistiques, vous laissez les violences s’envoler, 3) Vous supprimez plus de 10 000 postes de policiers et gendarmes (et ce n’est pas fini), 4) Vous faites porter le chapeau de l’insécurité aux Magistrats… La boucle est bouclée.

- Rajoutez-y l’empilement de lois sécuritaires (8 ou 9 en moins de 10 ans, et ce n’est pas fini), presque toutes inapplicables et souvent contradictoires, à finalité stricte de communication politico-électorale.

- Et terminez par un manque criant de moyens, en tout: personnels, locaux, matériels, … ne permettant pas à un magistrat sous le poids de 1 500 dossier/ an de faire correctement son travail, amenant des délais insupportables pour les justiciables, ne permettant pas, à ceux chargés du suivi de l’application des peines, de simplement travailler du fait d’un nombre ahurissant de libérés à suivre, et vous accroissez le fossé entre l’institution judiciaire et la population. Tout ça au prétexte d’Outreau et de la volonté des magistrats d’être des irresponsables. Sur ce sujet, voir l’article d’Alternatives Economiques .

Mixez soigneusement le tout, utilisez largement les médias  télévisés et les journaux détenus par les amis, et vous aboutissez à la situation actuelle où les magistrats, massivement, fait historique inédit et majeur, enfin, se rebellent… Et nous ne pouvons que les soutenir.

En ce qui concerne l’autre pilier de la démocratie, le droit à l’information, l’escalade est du même ordre. D’une part les médias détenus par les amis du 1er cercle du pouvoir, de l’autre, la mise au pas des médias publics: Nomination des Président par l’Elysée, nomination de responsables- amis à tous les niveaux de l’organisation (France-Inter, FR 3, …), éviction de ceux qui critiquent un peu trop vertement (France-Inter). Et vous aboutissez à une berlusconisation des médias français.

Oui, trop peu s’en rendent compte, notre démocratie s’effrite tous les jours un peu plus et, comme hier soir, tout les amis sont mobilisés pour le spectacle de la campagne présidentielle pour 2012, au service de l’intendant du Medef et du Cac 40.

- “Affaire Lyonnais-Tapie : les conditions du recours à l’arbitrage critiquées par la Cour des comptes”, Contes publics.

- “Le monde judiciaire est au bord de la crise de nerfs”, Le Monde.