C’est une belle rétrospective que la Tate Britain consacre (jusqu’au 15 mai) à Susan Hiller, artiste peu connue en France, mais qui, depuis ma première rencontre avec son travail, m’a constamment intéressé. C’est une rétrospective, c’est-à-dire qu’un bon nombre des pièces présentées ici n’étaient pas pour moi une découverte : ma seule déception vient du fait que le J-Street project, qui m’avait tant fasciné il y a bientôt six ans, n’est ici présenté que sous forme de film, ce qui traduit mal la dimension obsessionnelle, systématique, exhaustive de ce projet de recenser, documenter, photographier et filmer toutes les rues allemandes dont le nom comprend le mot ‘Juif’. La présentation à la galerie Tim Taylor comprenait alors surtout un mur avec les photos des 303 plaques de nom de rue et, en face, leur liste systématique, classifiée, référencée, avec une carte d’Allemagne indiquant leur emplacement, et un livre-atlas. C’est que Susan Hiller, ancienne anthropologue, excelle quand elle applique son esprit de méthode, sa science classificatrice à son art.
Avec cette rage systématisante (dans laquelle je me reconnais bien), cette approche conceptuelle fine et sensible, elle s’attaque à des sujets denses : la trace évanescente des juifs en Allemagne, mais aussi l’inventaire des langues en voie de disparition, Livonien, Lenape, Wampanoag et langage sifflé des Canaries, avec un écran noir où apparaît la traduction des quelques mots de la bande-son, traces de figurants, de sans-grade, d’oubliés de l’histoire (”The Last Silent Movie“); et aussi la pièce “Dedicated to the Unknown Artists” où Susan Hiller a collectionné, collationné, classifié des centaines de cartes postales de la mer démontée sur les côtes anglaises, avec analyse lexicale, visuelle et cartes à l’appui. Une installation qu’elle a d’abord présentée au Musée Freud à Londres (titrée “From the Freud
![Susan Hiller From the Freud Museum susan-hiller-3_4151.1297268878.jpg](http://media.paperblog.fr/i/414/4147593/susan-hiller-conceptuelle-feministe-sensible-L-QEAgCW.jpeg)
![Susan Hiller Psi Girls 581ac13d0724ad86bb8f8421fd0c0a892de6a31a1.1297269194.jpg](http://media.paperblog.fr/i/414/4147593/susan-hiller-conceptuelle-feministe-sensible-L-mrFrAx.jpeg)
![Susan Hiller Monument dd-feb3-hiller31.1297268891.jpg](http://media.paperblog.fr/i/414/4147593/susan-hiller-conceptuelle-feministe-sensible-L-1ZX9pX.jpeg)
![Susan Hiller The Tao of Water Hommage to Joseph Beuys the_tao_of_water_21.1297268841.jpg](http://media.paperblog.fr/i/414/4147593/susan-hiller-conceptuelle-feministe-sensible-L-4_QJZX.jpeg)
Ce que j’apprécie le plus chez Susan Hiller, c’est sa capacité à porter un regard analytique, systématique sur le monde, à y identifier des phénomènes révélateurs et à nous les présenter dans un contexte à la fois conceptuel et sensible. Mais tout le monde n’apprécie pas : vous pourrez lire deux critiques assez peu positives de cette exposition, par Brian Sewell (très négatif et acerbe) et Fisun Güner.
Photo 1 courtoisie du service de presse de la Tate.