Homoparentalité : les statistiques ne disent pas tout

Publié le 11 février 2011 par Veille-Education

Dès lors que dans un débat intervient aujourd’hui la question de ce que l’on appelle depuis peu l’ »homoparentalité », vous pouvez être certain d’entendre un argument présenté comme imparable selon lequel des enquêtes (aux Etats-Unis surtout) démontreraient que les enfants élevés par des couples de même sexe n’ont pas plus de problèmes psychologiques que ceux qui sont élevés par des couples de sexes différents.
L’argument est statistique, il se présente comme scientifique, indiscutable et l’on ne manquera pas d’en tirer la conclusion que la société ne peut plus continuer à réserver l’adoption ou les procréations médicalement assistées aux couples composés d’un homme et d’une femme. Cette nouvelle forme « d’argument d’autorité » a de quoi surprendre. Personne – ou presque – n’ayant eu l’occasion de lire lesdites enquêtes, il laisse coi. Pourtant, ceux qui ont pu y accéder sont généralement d’avis – au mieux – que l’on ne peut rien en conclure.

Passons sur le fait que ces enquêtes, dont l’immense majorité a été commanditée par des associations gays, contiennent des biais surprenants. J’ai publié en plusieurs lieux, notamment dans mon ouvrage La confusion des genres (Bayard culture, 2005), une analyse critique qui rejoint celles d’autres auteurs commeCaroline Eliacheff ou Pierre Lévy-Soussan. Mais surtout chacun sait que de telles enquêtes, quantitatives, reposent sur des questionnaires standards qui ne permettent de repérer que des fonctions déterminées : cognitives, adaptatives, pragmatiques. Les items sont définis en raison de ce que l’on veut démontrer. Et le caractère massif de la conclusion (toujours « aucune différence ») laisse quelque peu pantois : à trop vouloir démontrer… Mais surtout, que pourrait-on conclure d’une somme d’enquêtes qui démontrerait que les enfants qui n’ont jamais écouté Mozart n’ont pas plus de problèmes psychologiques que les autres ?

Il y a un choix surprenant dans l’option qui consiste à privilégier de telles enquêtes, lointaines et pour le moins aléatoires, par rapport à ce que nous apprend l’expérience directe et ce que la psychologie la plus rigoureuse nous enseigne depuis plus d’un siècle. A savoir tout ce qu’un enfant doit à la différence sexuelle entre ses parents, tout ce qui se passe entre un petit garçon et son père-homme-masculin, sa mère-femme-féminine, de même pour la petite fille. L’expérience clinique a largement analysé ce qui a lieu lorsque la place de l’un ou de l’autre est demeurée vacante, lorsque le jeu de la différence, par identifications et différenciations, n’est pas possible. Des auteurs comme Christian Flavigny,Christiane Olivier, Jean-Pierre Winter, Didier Dumas et bien d’autres pourraient être évoqués ici. Encore faut-il qu’on laisse le temps aux enfants de parler, de dire leurs manques et leurs carences, jusqu’au temps de l’adolescence. Autrement dit que l’on passe d’une psychologie superficielle et utilitaire à ce que l’on appelle la « psychologie des profondeurs », attentive à la structuration psychique, aux fonctions, aux places.

DIFFÉRENCE SEXUELLE

En vérité, le débat ne peut pas être tranché par une somme de « constats », un ensemble de données de fait. La question déterminante est anthropologique et éthique ; autrement dit, elle porte sur un choix, un choix collectif : oui ou non décidons-nous d’accorder à la différence sexuelle, et plus particulièrement à la différence entre paternité et maternité, une importance, une place reconnue et instituée ?

Dire que certains enfants élevés par des couples homosexuels se trouvent dans de meilleures conditions que d’autres enfants élevés par des couples dits hétérosexuels, c’est croiser deux séries de facteurs hétérogènes, en confondant les données accidentelles et les données structurelles. Dans un cas, les difficultés viennent des aléas de l’existence, de données contingentes face auxquelles la société n’a pas de responsabilité institutionnelle. Pour les données structurelles (et structurantes), il en va différemment : celles-ci sont des réalités a priori, un socle anthropologique, une manière d’articuler nature et culture face auxquelles la société comme telle a une fonction spécifique.

Se profile alors un autre débat : des choix collectifs, sociétaux, communs sont-ils légitimes en ce domaine – ou sommes-nous renvoyés à la seule autonomie individuelle ? La philosophie libérale qui domine actuellement tend à privilégier la seconde hypothèse. Mais il existe aussi une autre conception du droit, qui demeure toujours actuelle, selon laquelle la loi a pour fonction d’instituer certains biens humains fondamentaux, au nombre desquels une certaine structure familiale. Il se trouve que celle dont nous héritons est à la fois le fruit de plusieurs millénaires et la plus proche des données corporelles. Que l’enfant soit né de deux corps, qui eux-mêmes renvoient à deux lignages et fondent la cellule sociale au sein de laquelle il grandira fait partie de notre patrimoine commun, à ne pas brader sur l’autel des scénarios compliqués que certains adultes voudraient imposer aux enfants.

Xavier Lacroix a publié De chair et de parole (Bayard, 2007).
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